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CULTURE Nature et culture

Critiques « culturalistes » de l'intelligence et de la féminité

Appuyée le plus souvent sur un fondement marxiste, la critique de la mesure de l'intelligence s'en prend en premier lieu à l'idée qui fait de celle-ci un « don » mystérieux, inné et héréditaire, une essence préexistant à l'individu ; en second lieu, elle vise la méthode de mesure par les tests, en avançant des arguments d'ordre politique ; cette méthode est la « caution rêvée, d'apparence objective, pour le maintien de certains privilèges sociaux et économiques » (cf. Henri Salvat, L'Intelligence, mythes et réalités, 1969). La démonstration consiste à invoquer les corrélations entre le niveau intellectuel des individus tel que le mesurent les tests et le niveau géographique, ethnique, social, culturel et économique du milieu environnant. Les efforts des psychologues pour bâtir des tests sans variable socio-culturelle ont été vains ; même lorsqu'il n'est fait appel à aucune information préalable, à aucun apprentissage, demeurent les différences d'attitude et de motivation, largement tributaires du milieu social et familial ; l'intérêt personnel, la tendance à se conformer à l'autorité sont des motivations fortement liées au niveau d'aspiration du milieu social : c'est, par exemple, semble-t-il, l'enfant de la classe moyenne qui est généralement le mieux stimulé pour obtenir de bons résultats scolaires. Les psychologues eux-mêmes reconnaissent d'ailleurs ce fait. Ainsi, en 1950, F. Goodenough : « Il est en effet illusoire de vouloir bâtir des tests indépendants des éléments de culture et il n'est plus possible de soutenir naïvement que le simple fait, pour un test, de ne comporter aucune intervention de langage suffit à lui donner une valeur égale pour tous les groupes. » Les psychologues, estime H. Salvat, font une concession à la théorie culturaliste de l'intelligence de la manière suivante : ils considèrent qu'il y a, d'une part, l'intelligence A, qui est virtualité innée, « don », et qui, purement hypothétique, ne peut se mesurer ; d'autre part, l'intelligence B, qui se développe à partir de la première en interaction avec le milieu, par imprégnation culturelle inconsciente ou par apprentissage conscient. C'est elle qui intervient dans la vie quotidienne et qui est mesurée par les tests. Mais pourquoi supposer cet « arrière-monde », comme dirait Nietzsche, sinon par une autre concession, cette fois-ci, au mythe bourgeois du don héréditaire ? La persistance à représenter, contre toute évidence, la courbe statistique de la répartition de l'intelligence dans une population donnée selon un schéma gaussien – c'est-à-dire comme s'il s'agissait d'un facteur hasardeux tel que la taille, comme s'il fallait absolument qu'il y ait très peu de gens très intelligents, un bon nombre de gens intelligents, le plus grand nombre étant doué d'une intelligence moyenne, et, symétriquement, qu'il y ait un certain nombre de gens peu intelligents et quelques débiles – indique bien la méconnaissance de la dimension culturelle de l'intelligence. Le mythe de l'intelligence héréditaire est critiqué par le biologiste Jean Rostand, qui déclarait en 1966 : « Il est constant qu'il existe, parmi les hommes, des inégalités natives quant aux aptitudes intellectuelles ; mais rien ne permet de penser qu'une corrélation existe entre cette inégalité naturelle, génétique, et l'origine sociale. » La critique radicale de la notion classique d'intelligence que veut faire Salvat comporte une partie positive – l'affirmation que l'intelligence ne se définit pas à vide ni dans le vide, mais par rapport à un objet et en relation avec un milieu – et une partie négative – la réfutation de l'[...]

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Écrit par

  • : agrégée de l'Université, docteur en philosophie, maître de conférences à l'université de Rennes

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Médias

Claude Lévi-Strauss, 1981 - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Claude Lévi-Strauss, 1981

Itard - crédits : ICAS94/ De Agostini/ Getty Images

Itard

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