CULTURE Sociologie de la culture
Quelques tendances contemporaines
Logiques sociales de la production culturelle, détermination des goûts et des pratiques, usages sociaux de la culture dans les stratégies de reproduction : ces questions et les manières d'y répondre ne sont pas restées inchangées depuis que la sociologie de la culture a commencé sa structuration. Sans prétendre à l'exhaustivité ni à une présentation complète des multiples et complexes innovations et infléchissements conceptuels, nous terminerons cette présentation en évoquant brièvement quelques tendances récentes de la recherche.
Le renouvellement des objets
Les questions de la « consommation culturelle » et de la formation des goûts ont récemment été posées à nouveaux frais, à partir des changements liés à l’Internet dans l’accès à la culture ou des pratiques culturelles des enfants et adolescents (Détrez, 2014). Tout comme l’Internet a brouillé la frontière entre « production » et « consommation », les pratiques amateurs, jusque-là peu étudiées, révèlent un rapport « actif » à la culture qui intègre de multiples aspects de la vie sociale, amenant à reconsidérer la césure entre les pratiques culturelles et les autres (Vincent Dubois, Jean-Matthieu Méon, Emmanuel Pierru, Les Mondes de l’harmonie, 2009). Dans le prolongement de la question des « publics » et des modes d'appropriation socialement différenciés des produits culturels, tout un courant – composite – de recherche s'est développé autour de la question de leur réception (Isabelle Charpentier, Comment sont reçues les œuvres, 2006). Du travail critique construisant le sens particulier d'une œuvre à la mise en évidence des différents degrés d'attention des publics qui y sont exposés en passant par leurs réceptions internationales, les schémas trop simples (émetteur/récepteur) ont pu laisser place à une analyse plus nuancée et proche des pratiques de la mise en relation des œuvres et de leurs publics, et des « effets » des publics sur les œuvres aussi bien que des œuvres sur les publics.
Parfois en lien avec la sociologie de la réception, les études sur la circulation internationale des œuvres ont également contribué à renouveler les approches. C'est en particulier le cas des études de sociologie de la traduction, au croisement d'une analyse des logiques éditoriales, des champs littéraires nationaux et de leurs relations et d'une sociologie des processus d'internationalisation (Gisèle Sapiro, 2008).
C'est également au carrefour de plusieurs problématiques que se sont développés de nombreux travaux sur les politiques culturelles (Vincent Dubois, 2012). Renouvelant la question classique des rapports entre art et politique, ces travaux éclairent aussi bien les conditions sociales de la création que la question des publics (la « démocratisation culturelle » et ses limites), en montrant ce qu'elles doivent à l'intervention des pouvoirs publics.
Enfin, l'analyse socioéconomique des professions artistiques et culturelles s'est renouvelée. Initialement engagée sous l'angle d'une étude morphologique des artistes, elle a été élargie aux différentes catégories de « médiateurs » culturels tels que les bibliothécaires, conservateurs de musée, administrateurs culturels, etc., (Vincent Dubois, La Culture comme vocation, 2013). Elle a également été prolongée par une sociologie de l'emploi, dans ce secteur généralement considéré comme atypique du point de vue du rapport au travail et des conditions d'emploi (Pierre-Michel Menger, 2014), et par la sociologie des mobilisations liées à ces conditions d’emploi, avec le cas des intermittents du spectacle (Jérémy Sinigaglia, Artistes, intermittents, précaires en lutte. Retour sur une mobilisation paradoxale, 2012).
Débats théoriques
Certains de ces nouveaux thèmes renvoient[...]
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Écrit par
- Vincent DUBOIS : professeur de sociologie et de science politique à l'Institut d'études politiques de Strasbourg, G.S.P.E.-P.R.I.S.M.E. (C.N.R.S., U.M.R. 7012)
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