CYANOBACTÉRIES ou CYANOPHYCÉES, anc. ALGUES BLEUES
Nocivité des Cyanobactéries
Les cyanobactéries, présentes dans la plupart des milieux aquatiques, sont capables de synthétiser une très grande variété de molécules. Cela va de produits utiles comme des antibiotiques, des antiviraux et antitumoraux jusqu'à différentes toxines qui font l'objet, en France, d'une surveillance depuis l'année 2000, en raison du risque sanitaire. Trois types de toxines sont habituellement répertoriés dans les différents genres de cyanobactéries : les dermatoxines, les hépatotoxines et les neurotoxines. Parmi ces dernières, ont été observées l'anatoxine-a ainsi que des saxitoxines, dont certaines sont responsables chez l'homme du syndrome PSP (paralytic shellfish poison).
Paul Cox et ses collaborateurs ont mis en évidence qu'une molécule découverte par A. Vega et E. A. Bell, en 1967, dans les cycas (arbres gymnospermes), l'acide aminé β-N-methylamino-L-alanine (BMAA), est une neurotoxine présente dans 95 p. 100 des genres connus des cyanobactéries, que les espèces testées soient symbiotiques ou libres et ce, quelle que soit leur provenance à l'échelle de la planète (« Diverse taxa of cyanobacteria produce β-N-methylamino-L-alanine, a neurotoxic amino acid », in PNAS, vol. 102, no 14, pp. 5 074-5 078, 2005). Pour ces auteurs, la contamination par cette neurotoxine peut se faire aussi bien par ingestion directe de cyanobactéries que par celle de leur hôte ou par exposition à des eaux contaminées.
Si la généralisation de la production de cette neurotoxine à l'ensemble des cyanobactéries pose un grave problème, c'est que la liaison entre le BMAA et la santé humaine a déjà été mise en évidence par Cox (2003) lors de recherches effectuées sur le syndrome de Guam, maladie responsable d'environ 20 p. 100 des décès recensés dans l'île du même nom dépendant de l'archipel des Mariannes dans le Pacifique. Constatant que la population Chamorro de cette île consomme lors de certaines fêtes des roussettes (chauve-souris frugivore du genre Pteropus) largement contaminées par le BMAA, Cox a recherché la source de BMAA. Il a pu ainsi montrer que ces roussettes se nourrissent de graines de Cycas micronesica, arbre dont certaines racines contiennent des cyanobactéries symbiotiques du genre Nostoc produisant la toxine. Les analyses montrent une bioamplification de la neurotoxine à chaque niveau de la chaîne alimentaire : les Nostoc symbiotiques produisent de 2 à 37 microgrammes par gramme (μg/g) de BMAA qui se concentrent dans la partie externe des graines pour atteindre 1 161 μg/g. Les roussettes, qui se nourrissent de ces graines, accumulent en moyenne 3 556 μg/g de BMAA. Consommées, ces roussettes seraient en partie responsables (les Chamorros utilisant également de la farine préparée à partir de ces mêmes graines de Cycas), chez certains patients, d'une sclérose latérale amyotrophique, associée à un complexe de symptômes de type maladie de Parkinson et de signes d'un état démentiel (ALS-PDC, amyotrophic lateral sclerosis/parkinsonism-dementia complex) caractéristiques du syndrome de Guam. Tous ces malades, lors de leur décès, présentent en moyenne 6,6 μg/g de BMAA dans les tissus de leur cerveau. Cette implication du BMAA dans un complexe de maladies neurodégénératives rejoint des observations effectuées au Canada sur des patients atteints de la maladie d'Alzheimer et dont tous les cerveaux (9 cas) contenaient du BMAA.
Le principe de précaution conduit non seulement à amplifier les recherches sur la liaison potentielle entre BMAA et maladies neurodégénératives, mais aussi à rechercher activement cette molécule dans divers milieux et réseaux trophiques caractérisés par des cyanobactéries. Il incite surtout à effectuer des suivis des concentrations en BMAA dans toutes les retenues d'eaux brutes[...]
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Écrit par
- Pierre BOURRELLY : professeur honoraire au Muséum national d'histoire naturelle
- Jean Claude LEFEUVRE : professeur émérite au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
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