CYBERCRIMINALITÉ
Une criminalité à part ?
Toutefois, ces tentatives visant à mieux cerner la cybercriminalité n'épuisent pas l'ambiguïté de cette catégorie, puisqu'elles aboutissent plus à répertorier les diverses facettes d'un phénomène qu'à révéler en quoi celui-ci serait spécifique. L'originalité de la cybercriminalité au regard des formes plus conventionnelles de la criminalité demeure en effet l'objet de débat. S'il est vrai que l'utilisation des nouvelles technologies contribue à modifier les pratiques criminelles, il demeure douteux qu'elle altère la nature et la qualité du crime. Ainsi, la diffusion de contenus illicites sur Internet s'inscrit dans la continuité du rapport entre l'avènement de nouveaux moyens de communication et leur possible détournement à des fins illégales. Le développement et la démocratisation de la presse, des télécommunications, de l'industrie cinématographique puis de la télévision ont soulevé par le passé la même question récurrente de leur régulation par les pouvoirs publics. Par exemple, la circulation de copies illégales de films ou de logiciels via Internet pose, au regard de la législation sur la protection des droits d'auteurs, un défi comparable à l'invention du magnétoscope dans les années 1980 ou, bien avant, à la diffusion des disques sur les antennes radio.
À l'inverse, divers arguments militent en faveur de la spécificité de la cybercriminalité et mettent en avant la distinction entre le monde réel et physique, où sévit la criminalité traditionnelle, et le monde virtuel et immatériel (le cyberespace), où règnent les pirates informatiques. Participant de la construction sociale du cyberespace comme espace autonome, c'est-à-dire comme nouvelle dimension supposée fonctionner selon des règles propres, différentes de celles existant dans le monde réel, ces arguments relèvent de quatre ordres : du juridique, du politique et social, du technique et de la sécurité nationale.
Ainsi, les réseaux informatiques et numériques constitueraient une zone de non-droit, échappant à l'emprise des États, et pour cette raison, prédisposée à servir de refuge aux délinquants en tous genres. De fait, la dimension transnationale du cyberespace pose une difficulté majeure, notamment en termes de compétences juridictionnelles, tant en amont au niveau des enquêtes et des poursuites, qu'en aval au niveau des décisions judiciaires et de leur exécution. Dans l'ordre politique, on souligne que la démocratisation d'Internet, couplée avec la liberté d'information qu'elle autorise, permet une diffusion difficilement contrôlable de données dangereuses (recettes de fabrication de bombes, manuels de piratage d'ordinateurs) pouvant doter une personne malveillante de capacités de nuisance importantes. Internet est alors perçu comme un outil particulièrement subversif, à la fois facilitant le basculement d'un individu dans l'illégalité et démultipliant sa dangerosité potentielle. D'un point de vue technique, les réseaux informatiques sont supposés assurer au pirate un anonymat parfait, celui-ci pouvant facilement dissimuler les traces de son forfait. Par ailleurs, la possibilité de lancer des attaques massives et simultanées pose différents problèmes en matière de prévention et de conception des dispositifs de sécurité. Enfin, la dépendance croissante des services et des opérations quotidiennes envers les réseaux informatiques a renforcé l'idée – désormais répandue – que le cyberespace constituait « le socle » ou « le système nerveux » de la société. S'est ainsi développée, notamment aux États-Unis, la peur que des hackers puissent détruire via Internet des infrastructures critiques et faire s'effondrer l'économie d'une nation.
De tels arguments demeurent[...]
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Écrit par
- Olivier PALLUAULT : doctorant en science politique à l'université de Paris-II, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris
Classification
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