CYCLE ARTHURIEN DANS LA FANTASY
Les aventures du roi Arthur et de ses chevaliers constituent un important champ d'expression du merveilleux littéraire et iconographique. Elles forment, à côté des mythes et des contes, une des sources principales de la fantasy, ce genre né à la fin du xixe siècle d'un besoin de réenchantement du monde. La « matière de Bretagne » a d'abord nourri un ensemble de romans français et européens, à partir du xiie siècle avec Chrétien de Troyes et jusqu'à la fin du Moyen Âge avec l'Anglais Thomas Malory : ces oeuvres prenaient appui sur quelques éléments légués par l'héritage celtique et rappelés par les chroniques latines, brodant ensuite des développements toujours plus amples sur une histoire qui prit ainsi les proportions d'un vaste cycle reliant la mort du Christ au destin de l'Angleterre. L'ensemble des intrigues embrasse ainsi l'histoire du monde depuis le Graal, cette coupe recueillant le sang du Christ crucifié, ramené en Angleterre par Joseph d'Arimathie et devenue plus tard objet de la quête ultime des chevaliers de la Table ronde, jusqu'à la mort du roi Arthur, tué à Camlann mais emmené en Avalon, où il dort toujours en attendant l'heure de son réveil.
À ce corpus médiéval déjà très riche de ses propres variations sur les aventures de Merlin, d'Arthur et de sa cour, la fantasy contemporaine ajoute des dizaines d'ensembles romanesques qui relatent à leur tour la légende et déterminent pour une bonne part la façon dont nous la connaissons aujourd'hui.
La fantasy arthurienne
Renaissance victorienne
L'histoire des réécritures arthuriennes se confond pour une part avec celle de la fantasy, l'autre part se rattachant, quant à elle, au roman historique. Le goût pour le Moyen Âge a ainsi joué un rôle décisif dès l'invention de la fantasy comme genre littéraire durant l'ère victorienne. Et comme il s'agit d'un passé médiéval anglais, la figure du roi Arthur y est privilégiée. Celui-ci fit l'objet dès le Moyen Âge de multiples récupérations politiques en tant que grand souverain historique de l'île. Le poète favori du règne de Victoria, lord Alfred Tennyson, l'a notamment magnifié, à partir de 1832 dans La Dame de Shalott, les Poems puis les Idylles du roi (1859-1885), faisant de lui un idéal politique et moral. William Morris, pionnier de la fantasy littéraire et artiste membre du groupe des préraphaélites, consacre également un recueil de poèmes aux figures arthuriennes (The Defence of Guenevere and other Poems, 1858). Elles jouissent alors d'un grand succès populaire, dont témoignent les multiples rééditions de la grande œuvre source de langue anglaise, La Mort d'Arthur de Thomas Malory (1470, imprimé pour la première fois en 1485 par William Caxton). Les versions victoriennes serviront ensuite de supports à des traitements humoristiques, comme chez Mark Twain avec Un Yankee à la cour du roi Arthur (1889), qui joue sur les contrastes de l'anachronisme, puis T. H. White, dont l'hilarant L'Épée dans la pierre (1938), premier volume du cycle The Once and Future King consacré à la jeunesse d'Arthur, est resté fameux pour son adaptation par les studios Disney (Merlin l'enchanteur, 1963).
Les pionnières : Mary Stewart et Marion Zimmer Bradley
Ce n'est qu'au tournant des années 1970 que la fantasy connaît une véritable expansion, largement liée à la reconnaissance des œuvres de J. R. R. Tolkien qui la réinventent d'abord pour les jeunes lecteurs avec Bilbo le Hobbit (1937), puis pour les adultes avec Le Seigneur des anneaux (1954-1955), qui touche le grand public américain à partir de 1965. Portées par cette vague, deux romancières, Mary Stewart et Marion Zimmer Bradley, ouvrent la voie à un investissement massif des intrigues et personnages arthuriens[...]
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Écrit par
- Anne BESSON : docteure en littérature générale et comparée, maître de conférences à l'université d'Artois, UFR Lettres et arts
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