CYCLE ARTHURIEN DANS LA FANTASY
Thèmes et variations
Entre histoire et merveille
Si la présence d'Arthur en littérature remonte au xiie siècle, le personnage historique, lui, se serait illustré au ve siècle, une période mieux connue depuis les recherches archéologiques qui lui ont été consacrées à partir des années 1970, et qui ont favorisé le renouveau du corpus arthurien. Il existe donc d'emblée, pour qui s'intéresse aujourd'hui à la « matière de Bretagne », deux options chronologiques possibles, qui dessinent comme deux horizons culturels : les Dark Ages du haut Moyen Âge, époque d'invasions barbares, de guerriers brutaux et de polythéisme résistant, ou bien l'autre extrémité de la période, les xii-xiiie siècles, davantage associée à un merveilleux féérique, à des chevaliers en armure et à des codes de conduite généreux.
La fantasy va tendre à privilégier un cadre lointain mais relativement flou : si Bernard Cornwell dépeint un Arthur chef de guerre conforme à la reconstitution historique, l'imaginaire le plus largement sollicité est celui qui unit, de manière assez lointaine, la légende médiévale avec les mythes du peuple celte. Ce lien, qui semble évident pour la réception contemporaine du cycle arthurien, est largement un legs de la fantasy, et notamment de Marion Zimmer Bradley qui l'a vulgarisé, valorisant dans l'imaginaire celtique l'idée d'une puissance spirituelle féminine et naturelle. Le rapport plus direct entre le règne de Camelot et l'Empire romain finissant apparaît en revanche du ressort du roman historique.
La fantasy se veut une remontée aux origines, et ses réécritures arthuriennes privilégient souvent l'« avant » de la légende : ainsi le personnage pseudo-historique de Taliesin est-il omniprésent dans le corpus, où ce barde du ve siècle, à qui sont attribués des poèmes celtiques, est donné comme un premier Merlin. Le cycle de Fetjaine décrit comment le monde « tolkiénien » cède la place au monde arthurien : il se clôt avec la naissance du héros. Une analogie liant Avalon et Atlantis, deux îles magiques disparues, entraîne plusieurs explorations de cette mythique origine atlante (chez Lawhead ou Bradley). Dans le cycle d'Arthor (à partir de 1994), A. A. Attanasio met en scène les anciens Dieux, forces métaphysiques agissant à travers des personnages élus. On comprend qu'en tout état de cause, la recherche d'un recul historique, qui se veut vraisemblable, n'apparaît jamais incompatible, bien au contraire, avec la présence du merveilleux, qui constitue le lien primordial entre légende arthurienne et fantasy. D'importants mouvements néo-païens contemporains – Wicca, druidisme, culte de la Grande Déesse –, souvent réunis à Glastonbury (haut lieu de la géographie légendaire), puisent leurs croyances dans ce même syncrétisme celtique.
Entre fidélité et innovation
Tout inventives qu'elles soient, ces réécritures revendiquent avec un bel ensemble leur fidélité à des sources médiévales qu'elles n'hésitent pas à convoquer. Cela contribue à leur statut ambivalent, entre fiction merveilleuse et mise à jour de vérités immémoriales enfouies. Nos deux pionnières, Stewart et Bradley, s'appuyaient ainsi très directement sur deux intertextes majeurs : la source historiographique fondatrice, première « biographie » d'Arthur parmi les rois de Bretagne dans l'Historia Regum Britanniae de Geoffroy de Monmouth (vers 1138) pour Stewart ; la grande somme finale que constitue, au xve siècle, La Mort d'Arthur de Thomas Malory, pour Bradley, qui cite l'auteur en épigraphe et en démarque ensuite soigneusement les épisodes. Fetjaine cite le Lancelot en prose français, Lawhead les Mabinogion, récits mythiques celtiques... Les sources sont diverses autant que les réécritures, et celles-ci peuvent se[...]
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Écrit par
- Anne BESSON : docteure en littérature générale et comparée, maître de conférences à l'université d'Artois, UFR Lettres et arts
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