CYCLE, peinture
On entend par cycle de peinture une grande composition narrative se divisant en épisodes et exigeant une grande surface de développement. Techniques et supports les plus généralement employés sont la fresque et la peinture à l'huile sur tableaux. Impliquant une lecture en continuum, le cycle aborde deux thèmes principaux : religieux tout d'abord, puis profane. C'est en Italie que naquirent les grands cycles, trouvant un support privilégié sur la voûte ou les parois de l'église ; puis dans l'architecture domestique, dans les stanze et les salone. Le précurseur et grand initiateur fut Giotto qui le premier établit l'unité de composition entre l'épisode et l'ensemble lui-même en introduisant l'intensité dramatique : fresques de la chapelle Scrovegni à Santa Maria Annunziata dell'Arena à Padoue ; et les deux autres cycles de Santa Croce de Florence : chapelles Bardi et Peruzzi. En tant que peinture d'histoire sacrée, le cycle implique généralement, et surtout à la Renaissance, deux niveaux de lecture : celui du thème organisateur (Ancien Testament, légendes hagiographiques) et un niveau symbolique relevant de l'interprétation allégorique, philosophique ou théologique. Ainsi, le cycle mural de Piero della Francesca consacré à l'histoire légendaire de la Vraie Croix se déroule sur les parois du chœur de l'église San Francesco à Arezzo. Ce cycle conte les avatars de la croix du Christ tels que les exposa l'évêque de Gênes, Jacopo da Varazze. Légende exégétique rendue d'autant plus lisible que Della Francesca porte principalement l'accent sur la représentation d'événements et de personnages arrachés à l'écoulement du temps. Or à cette légende se superpose l'interprétation philosophique des étapes de l'humanité : chaque épisode constituerait une des phases traversées par le genre humain, de la simplicité patriarcale à la vie citadine. Le cas de Michel-Ange à la Sixtine offre également cette double lecture : sur un plan technique, il substitue à la subdivision géométrique du Quattrocento un ensemble complexe fondé sur une voûte où décoration architecturale et figure humaine ont la même valeur plastique ; le thème général est la Bible (Genèse) mais il existe une interprétation métaphorique du texte sacré qui reconnaît dans le cycle pictural les phases essentielles de la vie spirituelle de l'humanité : corps sans esprits, esprits et corps, esprits sans corps ; vie primitive (dans les triangles), vie familiale (lunettes) et vie individuelle et spirituelle (prophètes et sybilles).
Le cycle de la galerie Médicis peint par Rubens est plus particulier. Tout d'abord, dans la mesure où l'architecture de la galerie offre peu de possibilités de décorations au plafond, elle cantonne la peinture sur le mur, ou plus exactement sur les trumeaux de la galerie. Le sujet ensuite est insolite, profane : la vie et l'éloge de Marie de Médicis par elle-même, attestation de sa propre puissance de son vivant. Jamais peinture et politique ne furent si intimement mêlées. Enfin, le langage de ce cycle est surprenant par le constant renvoi des compositions allégoriques aux scènes historiques, par le mélange de divinités et de personnages contemporains.
Enfin, la notion de cycle peut s'appliquer à une forme particulière de peinture japonaise : les emaki. Ce sont des rouleaux peints constitués par une suite de larges feuilles de papier collées bout à bout pour former une longue bande longitudinale. Il s'agit là aussi d'une narration picturale qui comprend quatre genres : le monogatari ou illustration d'un récit romanesque (Gengi-monogatari), le nikki-emaki, illustration des journaux intimes des dames de la cour ; l'e-den, biographie illustrée des religieux fondateurs de sectes ou de culte ; l'[...]
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Écrit par
- Cariss BEAUNE : maître en histoire de l'art
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Médias
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