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CYCLES ÉCONOMIQUES

Les cycles longs existent-ils ?

L'explication schumpetérienne des cycles longs, qui met en avant les vagues d'innovation et le rôle des entrepreneurs, a suscité la controverse.

Rôle et nature de l'innovation

Le premier à avoir contesté la thèse de Schumpeter a été Simon Kuznets, un économiste américain d'origine russe (couronné par le prix Nobel d'économie en 1971) : spécialiste de la collecte de statistiques industrielles, il souligna, dans les années 1950, que rien ne permettait, dans les données existantes, de repérer des points d'inflexion pouvant s'expliquer par l'apparition d'innovations majeures. Par exemple, la machine à vapeur a exercé des effets positifs sur la croissance économique durant tout le xixe siècle, alors que, selon Schumpeter, le Kondratieff correspondant à cette innovation majeure se serait arrêté vers 1840. Pour Kuznets, les innovations apparaîtraient sous forme d'un mouvement continu, et non par grappes.

D'une certaine manière, les objections de Kuznets ont ouvert la voie à une analyse nouvelle initiée dans les années 1980 par deux économistes américains, Paul Romer et Robert Barro, et un économiste français, Philippe Aghion. Celle-ci est connue sous le nom de « croissance endogène ». Ces économistes admettent, à la suite de Schumpeter, que la croissance économique est impulsée par l'innovation et la « destruction créatrice » qui l'accompagne. Mais ils récusent l'idée que cette innovation ait un caractère cyclique, et qu'une nouvelle « grappe » d'innovations n'apparaisse que lorsque la précédente a épuisé ses effets. Pour eux, l'innovation est le résultat d'une activité de recherche et de formation : la recherche permet des percées technologiques nouvelles, la formation permet aux travailleurs de maîtriser et d'utiliser ces nouvelles technologies dans leur activité productive. Plus on investit pour constituer le « capital humain » qu'engendrent la recherche et la formation, plus les résultats en termes d'innovations et de croissance économique seront élevés. S'il existe des cycles dans ce domaine, cela n'a rien à voir avec une temporalité particulière du changement technique, et tout à voir avec des efforts d'investissements en recherche et en formation plus ou moins accentués selon les périodes.

Le cadre institutionnel de l'innovation

À l'opposé, tout un ensemble de « néo-schumpetériens » défendent l'approche des « vagues d'innovations », sans pour autant reprendre à leur compte ce que Schumpeter disait du rôle central de l'entrepreneur, prêt à prendre des risques pour tenter de gagner beaucoup d'argent en cas de réussite. En France, ce sont principalement les économistes du courant de la « régulation » (Robert Boyer, Michel Aglietta), aux États-Unis des « néo-institutionnalistes » (David Gordon, Samuel Bowles, Robert Reich) : les uns et les autres mettent l'accent sur le rôle essentiel des institutions pour favoriser ou freiner l'innovation. En outre, les « régulationnistes » insistent sur le fait que l'innovation a besoin d'un cadre économique favorable pour se développer : par exemple, pour que les acheteurs soient au rendez-vous, il ne faut pas seulement que l'innovation débouche sur des produits désirables à leurs yeux, mais aussi qu'ils aient les moyens de les acquérir, ce qui implique une répartition adéquate des revenus. Ainsi, à leurs yeux, la fin des Trente Glorieuses, dans la première moitié des années 1970, ne résulte pas seulement de l'épuisement d'une grappe d'innovations, mais aussi du fait que les entreprises, confrontées à un ralentissement des gains de productivité, ont diminué leurs investissements et réduit leurs effectifs : la demande a donc été comprimée, ce qui n'a pas favorisé[...]

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Écrit par

  • : conseiller de la rédaction du journal Alternatives économiques

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Média

Krach boursier du 19 octobre 1987 - crédits : Maria R. Bastone-Str/ AFP

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