CYPÉRALES
Structure et évolution de la fleur
Malgré une simplicité et une uniformité apparentes, l'inflorescence et la fleur déterminent la grande diversité de la famille et permettent de caractériser les quelque 90 genres actuellement reconnus. C'est sans doute à tort qu'on parle d'épillet chez les Cypéracées, dont l'inflorescence élémentaire n'a pas atteint le degré de spécialisation et de stabilité du véritable épillet graminéen. Cet épillet a souvent été considéré, chez les Cypéracées, comme un épi racémeux, dépourvu de fleur terminale sauf chez les Mapaniées. Pour quelques auteurs toutefois, l'organisation type est cymeuse, avortements et contractions aboutissant à de faux racèmes (Rhynchospora, Cyperus). La fleur, elle-même difficile à délimiter dans certains cas, donne lieu à d'intéressantes controverses : il semble en effet aujourd'hui que les Cypéracées offrent un très bel exemple d'évolution cyclique de l'inflorescence vers la fleur, par contraction et suppression de pièces. Les théories classiques font dériver la fleur de Cypéracée de celle des Liliales, trimère et pentacyclique ; les soies hypogynes des Cypéracées (si développées chez Eriophorum) représentent alors les vestiges du périanthe, et disparaissent elles-mêmes dans la plupart des espèces. Les auteurs modernes s'orientent vers une explication inverse : à partir d'inflorescences primitives aux fleurs nues et unisexuées (peut-être à plusieurs reprises) vers des fleurs bisexuées périanthées d'un type voisin des Liliales. Cette hypothèse s'appuie sur la permanence, dans les forêts équatoriales, des types les plus primitifs actuellement représentés par la tribu des Mapaniées (Holttum, Kern). On discernerait alors deux grandes tendances évolutives, l'une menant aux fleurs bisexuées d'abord périanthées (Fuirena, Scirpus, Rhynchospora), puis, par une nouvelle simplification, aux fleurs bisexuées nues (nombreuses Scirpées et Cypérées) ; l'autre tendance aurait au contraire conservé la nature unisexuée des fleurs, en l'accentuant même par une plus grande ségrégation des sexes, qui, originairement voisins dans l'épillet, sont confinés dans des parties de plus en plus distantes de l'inflorescence, la diécie totale étant même réalisée dans quelques cas (Microdracoides, Carex dioica). La première tendance correspond à la sous-famille des Cypéroïdées, groupe homogène dans lequel les genres sont souvent définis par des caractères difficiles à observer (orientation du pistil, phyllotaxie de l'épi, etc.). Cette sous-famille comprend entre autres le grand genre Cyperus qui, pris au sens strict, compte environ 600 espèces, la plupart tropicales. Chez les Rhynchosporées, qu'on peut rattacher à la même sous-famille, se manifeste en outre une évolution vers la réduction du nombre de fleurs fertiles, les glumes basilaires de l'épillet étant vides. À la seconde grande tendance correspondent la sous-famille des Caricoïdées, avec diverses tribus tropicales (Sclériées, Cryptangiées) et surtout, au terme probable de son évolution, l'énorme genre Carex (entre 1 500 et 2 000 espèces, surtout des régions tempérées et froides) qui, à lui seul, fournit les trois quarts des Cypéracées de la flore française.
Il est évident que cette hypothèse évolutive est très séduisante, mais sa vérification dépend de recherches complémentaires ; la connaissance des Cypéracées reste bien moins avancée que celle des Graminées, dont elles n'ont évidemment pas l'intérêt économique. Pourtant, les Cypéracées peuvent peut-être nous apporter plus d'informations sur le plan très général de l'évolution des Phanérogames.
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Écrit par
- Jean RAYNAL : ancien assistant au Muséum national d'histoire naturelle
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Médias