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CYPRIEN DE CARTHAGE (200 env.-258)

Un témoin privilégié de la Tradition

Cyprien est un écrivain clair, formé aux règles de la rhétorique classique ; sa langue a déjà les caractéristiques du « latin chrétien ». Son œuvre la plus importante est le recueil des Epistulae, ses Lettres (quatre-vingt-une, dont seize de ses correspondants), document de première valeur pour l'histoire de l'Église du iiie siècle : épiscopat, liturgie, baptême, eucharistie (Ep., lxiii), vie morale, persécutions. Il a laissé en outre le récit de sa conversion (Ad Donatum), des ouvrages d'apologétique (Ad Demetrianum ; Ad Quirinum, recueil de citations bibliques), de morale et de pastorale (La Toilette des vierges, Les Lapsi, L'Oraison dominicale, Les Bonnes Œuvres et l'Aumône, La Patience, etc.), et surtout un écrit Sur l'unité de l'Église catholique (251), dont le texte comme la doctrine posent encore des problèmes.

C'est surtout la doctrine de Cyprien sur l'Église qui intéresse l'historien et le théologien. Cette doctrine est centrée sur l'Église locale et sur son unité (contre les schismes), dont le signe et le fondement sont l'évêque unique (Ép., xlix, 2). Le fondement en est la parole de Jésus à Pierre(Matth., xvi, 18). L'unité de l'Église universelle est faite de l'unité dans la foi et de la concorde de tous les évêques qui possèdent tous ensemble l'épiscopat in solidum (De unitate Ecclesiae, v).

La doctrine de Cyprien sur la primauté de l'évêque de Rome n'est pas pleinement cohérente. Chaque évêque est indépendant dans son diocèse et n'a de comptes à rendre qu'à Dieu seul. D'autre part, l'Église de Rome est l'Ecclesia principalis, d'où est sortie l'unité de l'épiscopat (Ép., lix, 14) ; de même que Pierre a reçu une « primauté » comme signe et point de départ de l'unité du Collège apostolique, Rome, l'Église de Pierre (Cathedra Petri), est le signe de l'unité des évêques entre eux. Mais cela n'implique pas une juridiction de Rome sur l'Église universelle. Cependant, il est visible que Cyprien tient à rester en communion avec l'évêque de Rome et sait recourir à lui quand besoin est. Il lui reconnaît implicitement une autorité qui était déjà dans les faits avant qu'on n'en fît la théologie.

Le chapitre iv du De unitate Ecclesiae nous est parvenu en deux recensions. L'une, plus courte, souligne « la primauté donnée à Pierre » ; elle est authentique, quoi qu'on en ait dit. L'autre serait une révision due à Cyprien lui-même lors de ses discussions avec Étienne, mais on en discute encore !

L'ecclésiologie de Cyprien mérite d'être étudiée de près, surtout dans le dialogue de l'Église catholique romaine avec l'Église anglicane (épiscopalisme), comme avec les Églises orthodoxes (ecclésiologie de l'Église universelle ou de la communion entre les Églises particulières).

— Pierre Thomas CAMELOT

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