CYTOMÉGALOVIRUS
La famille des herpèsvirus regroupe de nombreux virus, certains bien connus du grand public, comme l'herpès simplex, le virus de la varicelle et du zona ou le virus d'Epstein Barr, agent de la mononucléose infectieuse, d'autres plus récemment découverts comme les herpès virus 6, 7 et 8. Parmi eux, le cytomégalovirus humain (CMV) est un virus strictement humain, ubiquiste, qui infecte plus de 70 p. 100 des habitants de la planète. Son pouvoir pathogène, le plus souvent discret, est sous-estimé. En effet, si la plupart des premières rencontres avec le virus (primo-infections) sont inapparentes chez les personnes immunocompétentes – sauf si elles se font pour la première fois avec une femme enceinte – sa persistance dans l'organisme à l'état latent et son implication dans de nombreux mécanismes cellulaires en font un redoutable pathogène opportuniste chez les patients immunodéficients, personnes atteintes du syndrome d'immunodéficience acquise (sida) ou receveurs de greffe. La gravité de l'infection est donc étroitement liée à la capacité du système immunitaire de l'hôte à juguler la multiplication virale. Du fait des progrès du diagnostic et des traitements antiviraux, qui sont des inhibiteurs de la réplication virale, du fait des changements épidémiologiques, l'incidence et le pronostic de la maladie à CMV ont considérablement évolué depuis la fin des années 1980.
Le virus et les modalités de l'infection virale
Si la maladie des inclusions cytomégaliques est connue depuis 1904, il a fallu attendre 1956 pour isoler le virus responsable : le cytomégalovirus humain (CMV). Classé dans les Herpesviridae, il possède une structure reconnaissable en microscopie électronique (fig. 1). Il n'existe qu'un seul type viral. Son génome, un ADN double brin linéaire, a été complètement séquencé. C'est le plus long et le plus complexe parmi les herpès virus. Il code environ 180 protéines, dont 35 protéines constitutives de la particule virale (ou virion), les autres protéines intervenant dans la réplication du virus et dans les interactions avec le métabolisme cellulaire.
L'acquisition du virus est suivie d'une phase de dissémination sanguine transitoire, ou virémie, qui permet au virus d'atteindre ses organes cibles, cellules endothéliales des vaisseaux, épithéliales, fibroblastiques, cellules du système immunitaire, moelle osseuse, cellules du système nerveux central. Après la primo-infection, le virus persiste à l'état latent dans l'organisme. Des infections secondaires, réinfections par une souche exogène, ou réactivations du virus endogène, favorisées par une immunodépression ou une stimulation immunitaire allogénique, sont possibles. Au cours des réactivations, survenant chez des sujets séropositifs (c'est-à-dire ayant dans leur sérum des anticorps anti-CMV), le virus excrété au niveau du pharynx et des urines constitue une source potentielle d'infection. La latence virale s'établit essentiellement dans les cellules de l'endothélium des vaisseaux, dans les cellules souches de la moelle osseuse et dans les monocytes du sang périphérique. Les mécanismes moléculaires de maintien de la latence sont encore mal connus.
Ce virus strictement humain est fragile, et donc transmis par contact étroit avec les larmes, la salive, les urines, le lait maternel, le sperme ou les sécrétions génitales de personnes répliquant activement le virus. L'infection est acquise dans la petite enfance en particulier dans les collectivités d'enfants comme les crèches, et la prévalence des anticorps augmente jusqu'à l'entrée à l'école. Les nourrissons infectés excrètent de grandes quantités de virus pendant des périodes prolongées et représentent une source importante de virus. Ce sont souvent eux qui contaminent les femmes enceintes qui n'ont jamais[...]
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Écrit par
- Sophie ALAIN : professeure des Universités, praticienne hospitalier
- François DENIS : docteur en médecine, docteur d'État ès sciences, professeur des Universités en bactériologie, virologie, hygiène
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Médias