D'UN MONDE À L'AUTRE, NAISSANCE D'UNE CHRÉTIENTÉ EN PROVENCE (exposition)
En 1986 s'était tenue à Lyon une exposition intitulée Les Premiers Temps chrétiens en Gaule méridionale. Puis les fouilles effectuées sur plusieurs grands sites provençaux et les recherches concernant les iiie-vie siècles avaient amené une perception plus fine de ces années, cruciales pour qui veut comprendre comment s'organise la mutation du vieux monde païen en un monde nouveau. Dans l'exposition D'un monde à l'autre, naissance d'une chrétienté en Provence, qui se déroula au musée de l'Arles antique du 15 septembre 2001 au 15 janvier 2002, les organisateurs souhaitaient faire bénéficier le public de l'état le plus récent de la question en l'illustrant d'objets spectaculaires, émouvants, la plupart inconnus ou presque, car tirés de réserves et de dépôts de fouilles.
Jean Guyon et Marc Heijmans, les commissaires scientifiques, avaient circonscrit leur propos aux provinces romaines de Narbonnaise Seconde et des Alpes Maritimes et à la province ecclésiastique d'Arles pendant la période comprise entre 300 et 600. À travers les thèmes traités, non seulement on assistait à la naissance et au développement irrésistible des communautés de la région, mais on mesurait à quel point la christianisation accompagne puis organise les transformations progressives d'une société et d'une époque dont Michel Banniard écrivait qu'elle était « la genèse culturelle de l'Europe ».
À la différence de l'Orient, de l'Italie et de l'Afrique, l'Occident ne comptait que peu de communautés : seize sur quarante-quatre sont mentionnées en 314 pour les Gaules, dont six seulement pour la Provence. Ce territoire est ainsi, au ive siècle, très largement ouvert à la mission évangélique dont l'évêque constitue la figure centrale ; c'est lui aussi qui a pour vocation de diriger chacune des Églises naissantes. « Véritables pilotes placés par le seigneur pour guider le navire de l'Église, les évêques ont mérité d'être appelés le sel de la terre ; c'est pourquoi ils doivent travailler autant qu'ils le peuvent, avec l'aide de Dieu », écrit saint Césaire d'Arles dans un de ses sermons. C'est donc très justement qu'une importante section de l'exposition était consacrée aux évêques en général et à Césaire, évêque d'Arles de 502 à 542, en particulier. Cet homme attachant comprit que la propagation de la nouvelle foi passait par la parole et la pédagogie, suivant en cela son maître à penser, saint Augustin. Abandonnant les prédications savantes ou ampoulées de ses prédécesseurs, il délivre des homélies courtes, claires, récapitulant en conclusion les points essentiels de son discours ; il rédige un recueil de sermons « prêts à lire » à l'usage des prêtres moins habiles que lui et va même rompre avec un privilège épiscopal en demandant aux clercs subalternes de prêcher eux aussi afin de répandre plus sûrement la parole de Dieu.
Les hasards de l'Histoire (on n'ose parler de miracle !) ont permis de sauver quelques vêtements et des ornements sacerdotaux ayant appartenu à Césaire. Conservées après la Révolution dans l'église de La Major, quatre boîtes de tôle renfermaient une ceinture de cuir à la croix monogrammatique surpiquée et sa boucle d'ivoire composée d'un anneau mobile et d'une plaque décorée de deux soldats endormis veillant le Saint-Sépulcre, trois sandales de cuir en partie dépecées par les fidèles soucieux de prélever des reliques et un bâton pastoral disparu depuis lors. Il faut ajouter à cela une tunique de laine beige sobrement décorée d'un simple filet et les deux pallia, étoles que l'évêque portait comme une écharpe pendant les cérémonies. Outre leur extrême rareté (seuls quatre pallia sont conservés[...]
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Écrit par
- Claude SINTES : directeur du musée de l'Arles antique, conservateur en chef
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