DAGUERRÉOTYPE
On désigne par daguerréotype le procédé photographique mis au point en 1839 par J. L. M. Daguerre à partir de la découverte de l'héliographie par Nicéphore Niepce. Mais, alors que le procédé de Niepce restait peu performant (lenteur et complexité des différentes opérations, faible sensibilité de la substance sensible : le bitume de Judée, etc.), Daguerre réalise le premier procédé photographique suffisamment élaboré et fiable pour être commercialisé.
Convaincu de l'intérêt de cette invention pour la nation tout entière, le député François Arago présente en 1839 le daguerréotype devant la Chambre des représentants et parvient, dans un discours resté célèbre, à convaincre ses pairs de la nécessité de faire acheter par la France le daguerréotype à son inventeur, afin d'en « doter libéralement le monde entier ».
Le daguerréotype tombe ainsi dans le domaine public. Le succès est immédiat. En 1841 sont vendus à Paris plus de deux mille appareils et un demi-million de plaques. C'est le début de ce que les caricaturistes ont appelé la « daguerréotypomanie ». Mais les difficultés de manipulation conduisent Daguerre à organiser des séances de démonstration et, surtout, à publier un manuel, le premier du genre, paradoxalement intitulé Historique et description du daguerréotype et du diorama. L'ouvrage ne connaîtra pas moins de huit traductions et trente-neuf éditions en dix-huit mois.
Les premiers spectateurs des daguerréotypes s'émerveillaient de la grande précision et de la prodigieuse netteté de l'image. En effet, le daguerréotype est réalisé sur une plaque de cuivre, couverte d'argent plaqué. Ce support lustré présente une image sans grain, aux tonalités argentées, fines et nuancées. Inversée comme dans un miroir (défaut rapidement corrigé par l'adjonction d'un prisme), elle ne peut être regardée que sous un certain angle, à cause du reflet métallique qui en perturbe la vision. D'une extrême fragilité (Arago le compare aux ailes d'un papillon), le daguerréotype doit être encadré et mis sous verre pour être mieux protégé. Mais sa caractéristique essentielle — qui deviendra vite un inconvénient et justifiera son abandon — est son unicité, puisque l'épreuve positive est obtenue par noircissement direct, sans passer par un négatif.
Ces qualités intrinsèques expliquent pourquoi le daguerréotype fut reçu comme un prolongement de la peinture. « De ce jour, la peinture est morte », s'exclame le peintre d'histoire Paul Delaroche à l'annonce de la découverte. Cette réaction prouve combien le daguerréotype, par son puissant réalisme, répond parfaitement aux canons esthétiques en vigueur dans la peinture académique. La transition sera donc aisée dans ces domaines particuliers que sont le dessin documentaire et surtout le portrait miniature, deux genres qui s'effaceront rapidement au profit de la nouvelle image, dont ce seront les deux principaux champs d'application.
Les premiers essais de portrait sont peu satisfaisants. La pose trop longue que l'on exige du modèle, maintenu immobile à grand renfort d'appuie-tête et autres accessoires, tient presque de la torture et contribue à lui donner une tête de supplicié aux yeux privés de vie (à cause du battement des paupières). Mais très vite des améliorations notables sont apportées au procédé initial. Le Viennois Josef Max Petzval met au point un objectif à quatre lentilles, seize fois plus lumineux que le ménisque utilisé par Daguerre.
Antoine Claudet, daguerréotypiste français ayant acheté à Daguerre une licence pour travailler à Londres, expose la plaque aux vapeurs de chlore, ce qui lui permet de tirer un portrait en une minute. Avec cinq à six clients par jour, Claudet réalise plus de mille huit cents clichés en un an. Son concurrent, Richard Beard, premier[...]
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Écrit par
- Marc-Emmanuel MÉLON : professeur de communication à l'Institut supérieur des sciences sociales et pédagogiques de Marcinelle, Belgique, chargé de cours à l'université de Liège
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Médias
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