DAIMYŌ
De la fin du xive siècle au début de l'ère Meiji (1871), le Japon fut morcelé en dominations territoriales, fondées sur la force militaire et ayant à leur tête des dynastes provinciaux, les daimyō. Ce terme, en usage dès la fin de l'époque de Heian, n'exprimait à l'origine qu'une appréciation de la richesse d'un exploitant rural, dont il soulignait qu'il était grand (dai) détenteur de rizières et que ces terres avaient certains aspects d'une propriété privée, parce que jadis des usagers leur avaient donné leur nom (myō). Daimyō ne devint un mot juridique précis qu'à la fin du xvie siècle. Il désigna, dès lors, ceux des vassaux de Hideyoshi, puis des shōgunTokugawa, qui étaient traités en princes territoriaux, ayant reçu sur l'espace qui leur était donné en fief plénitude des pouvoirs régaliens. Mais, en le prenant dans cette acception, les historiens ont appliqué ce mot à des faits plus anciens, afin d'intégrer dans une évolution continue des institutions de structure diverse – les gouverneurs militaires (shugo) associés aux shōgun Ashikaga, à l'âge de Muromachi, ou shugo daimyō ; les barons féodaux de l'« âge des guerres civiles », ou sengoku daimyō ; les organisateurs de principautés guerrières, à l'âge de la pacification (1568-1603) ; enfin les daimyō de l'époque d'Edo –, institutions qui représentèrent les aspects successifs du morcellement politique.
L'évolution du daimyō et la centralisation du Japon
Pour tous ces types de daimyō, l'autonomie était conditionnée par la maîtrise d'un domaine territorial, où les forces centrifuges – communautés paysannes, marchandes, religieuses, seigneuries des vassaux – étaient actives. Les daimyō ne pouvaient faire œuvre durable qu'en accomplissant une centralisation et en organisant une administration civile, ce qui les orientait vers le gouvernement central, seule source de légitimité, pour y participer où tenter de le dominer. En droit, ils ne mirent jamais en cause l'unité du Japon, symbolisée depuis l'âge de Kamakura par les tennō (empereurs), mais aussi par les shōgun et par ceux qui, comme Hideyoshi, en remplirent le rôle sans en porter le titre. Or, ce gouvernement par les guerriers (buke seiji) devait maintenir le pays en paix. Les shugo de l'âge de Kamakura, de compétence limitée, étaient employés dans une fonction d'ordre civil. La tradition d'un régime militaire unifié, antérieure à la formation des autonomies provinciales, facilitait la réintégration des daimyō dans un système de gouvernement à l'échelle nationale. L'autonomie ne pouvait être qu'une phase transitoire. De plus, à la différence de l'Occident médiéval, le Japon subit un morcellement politique, alors que le commerce interrégional se développait.
Les shugo daimyō
Les shugo daimyō succédèrent aux chefs de guerre qui avaient proliféré durant la lutte des cours du Sud et du Nord. Moins nombreux, plus solidement établis, ils durent leur autorité à leur regroupement, de nature quasi fédérale, autour du shōgun. Seuls représentants de celui-ci sur leurs territoires respectifs, ils en reçurent les pouvoirs qui auparavant étaient confiés aux offices gouvernementaux civils de chaque province (koku shi). L'armée qu'ils levaient était en partie composée de leurs vassaux, qu'ils nommaient aussi aux fonctions locales et qu'ils s'attachaient par des dons de terres. Mais leurs assises provinciales restèrent précaires. Comme le système du shōen (attribution de terres appartenant au domaine impérial) persistait, ils ne disposaient que de droits partiels sur le sol cultivé. L'encadrement vassalique était insuffisant et fondé surtout sur des liens familiaux, d'où sa sensibilité aux querelles successorales, le principe du partage étant[...]
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Écrit par
- Michel François VIÉ : professeur à la faculté des lettres de l'université de Kyushu, Fukuoka, Japon
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JAPON (Le territoire et les hommes) - Histoire
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