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DAN FLAVIN (exposition)

Aussi étonnant que cela puisse paraître, la rétrospective consacrée à l'artiste américain Dan Flavin (1933-1996) par le musée d'Art moderne de la Ville de Paris, accueillant, du 9 juin au 8 octobre 2006, un projet itinérant conçu par la Dia Foundation de New York, était la première organisée en France.

Acteur majeur du renouveau artistique après guerre aux États-Unis, Flavin est l'auteur d'un corpus d'une rare cohérence, dont les qualités comme les exigences sont tributaires d'une utilisation inédite de tubes fluorescents industriels et standardisés. Associés au début des années 1960 à des objets divers, ces tubes sont désolidarisés de tout support en 1963, pour être soumis à une syntaxe dont la lisibilité semble (à tort) conforme aux exigences du minimalisme naissant. L'œuvre de Flavin – la rétrospective parisienne en est la preuve éclatante – n'en demeure pas moins d'une inventivité surprenante, démontrant qu'en dépit d'un vocabulaire de base résolument limité (guère plus de quatre longueurs et neuf couleurs) l'artiste n'a cessé de réinterpréter son langage.

La difficulté d'une telle exposition est liée aux contraintes spatiales et architecturales qui se manifestent inévitablement. Flavin, qui qualifiait lui-même son art de « situationnel », pensait le plus souvent ses œuvres en fonction de lieux exposés et illuminés, renversant la logique muséographique qui traditionnellement impose des lieux exposants et illuminants. Les rapports de l'œuvre à l'espace architectural, et par extension au spectateur, sont au cœur des dispositifs simples ou élaborés conçus par l'artiste, ses lumières cherchant invariablement à atteindre, pour reprendre la formule de Suzanne Pagé, qui signe là sa dernière exposition en tant que directrice du musée, à l'« hyperprésence de l'immatériel ».

C'est effectivement dans cette coalescence d'une présence et d'une absence que les œuvres de Flavin distillent leur aura mystérieuse. Impossible de circonscrire ses travaux, d'en délimiter les formes et vecteurs structurels, ou d'amorcer une identification de ce qui fait réellement œuvre. Or cette impossibilité leur confère un statut singulier au regard d'un contexte minimaliste dont les protagonistes, à commencer par Donald Judd (1928-1994), ont toujours cherché à accentuer et à restreindre la spécificité de leurs pratiques ou des matériaux utilisés. L'immatérialité des configurations lumineuses de Flavin les rattacherait davantage aux processus de dématérialisation chers aux conceptuels. Voire à un principe entropique que Robert Smithson (1938-1973) avait su déceler dans le travail de son ami, la lumière témoignant d'une énergie dispersée qui « se perd plus facilement qu'elle ne se capte ».

L'installation des tubes fluorescents au sein du musée d'Art moderne était suffisamment aérée pour que les œuvres s'y déploient sereinement. Elles s'adaptaient, à de rares exceptions près, harmonieusement aux lieux, les sculptant et les commentant. Elles englobaient un spectateur à la position toujours flottante, à la fois devant et dans l'œuvre, partie prenante d'un champ énergétique qui le rendait simultanément visible et voyant. Les commissaires ont su faire en sorte que l'exposition soit propice à une forme de recueillement profane, et ont veillé à ce que les agencements lumineux ne subissent aucune promiscuité synonyme d'interférences. La complexité des enchevêtrements chromatiques ne saurait en effet tolérer le parasitage émanant de sources lumineuses connexes envahissantes, à moins que celles-ci, à l'instar des œuvres jouant avec la lumière du jour, n'aient été assimilées et intégrées par l'artiste. Car, aussi puissant que soit leur envoûtement, ses travaux ne dissimulent pas leur extrême fragilité.[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain à l'université de Valenciennes, critique d'art, commissaire d'expositions

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