SIMMONS DAN (1948- )
Dan Simmons est né à Peoria, dans l'Illinois. Pendant dix-huit années, il exerça le métier d'instituteur. Il avait pour habitude, après le déjeuner, de raconter à ses jeunes élèves une histoire, qu'il faisait durer toute l'année. Le fameux Gritche, entité mythologique et meurtrière au centre d'Hypérion, est né de ces séances : « Cette créature faisait vraiment peur aux gosses. Parfois, ces gosses, qui sont devenus des adultes aujourd'hui, me re-contactent en me disant qu'ils ont reconnu le Gritche [...]. Cela m'amuse de savoir que les seules personnes qui connaissent la véritable histoire d'Hypérion, dans son ensemble – et croyez-moi, elle est encore beaucoup plus longue que le roman –, soient ces enfants ! » (Ozone, no 2). On retrouve des échos de cette expérience dans la nouvelle La Mort du centaure (1990).
Au premier abord, l'œuvre de Dan Simmons surprend par son éclectisme. Alors que nombre de ses collègues s'enferment dans un genre précis, lui ignore superbement la notion de frontière, pratiquant aussi bien la science-fiction que le fantastique, le thriller ou la littérature générale.
Après avoir obtenu le World Fantasy Award en 1986 pour son premier roman, Le Chant de Kali (une sombre histoire de cadavres ramenés à la vie et de déesse voleuse d'âmes, qui se déroule dans une somptueuse Calcutta), c'est en 1989 que Dan Simmons stupéfie le monde littéraire en publiant trois romans aussi exceptionnels que fondamentalement différents : Hypérion (prix Hugo, prix Locus), L'Échiquier du mal (Bram Stoker Award, Locus Award, British Fantasy Award) et Les Larmes d'Icare.
Lors de la sortie d'Hypérion, le critique de science-fiction John Clute écrivit : « Hypérion est sans doute l'œuvre définitive des années 1980. En un seul roman, Dan Simmons s'est inscrit parmi les quatre ou cinq auteurs principaux de la décennie. » Hypérion (et sa suite, La Chute d'Hypérion, 1990) est un étonnant roman d'aventures qui revisite brillamment les grands thèmes de la science-fiction : on y trouve un empire galactique situé dans un lointain futur digne d'Asimov, des distorsions temporelles, les intelligences artificielles chères aux cyberpunks, etc. Mais ce qui aurait pu n'être qu'un fourre-tout postmoderne ou un astucieux pastiche se révèle un véritable livre-univers, une œuvre littéraire extrêmement ambitieuse placée sous les auspices du poète anglais Keats et construite sur le modèle des Contes de Canterbury de Chaucer. À travers les destinées de sept pèlerins partis à la recherche du Gritche – cette version sombre du magicien d'Oz –, Dan Simmons s'interroge sur les rapports que l'humanité entretient avec les dieux qu'elle a fabriqués de toutes pièces, sur le prix à payer pour acquérir l'immortalité et, in fine, sur la place de l'homme dans l'univers.
« L'Échiquier du mal, explique Dan Simmons dans le numéro 1 de la revue Ténèbres, a été ma (volumineuse) tentative d'examiner le mal inhérent au pouvoir. Le pouvoir de contrôler, de séduire, de commander et de dominer. » Pour cela, l'écrivain crée de terrifiants vampires psychiques qui tirent les ficelles de l'Histoire. Prenante réflexion qui embrasse toutes les formes et tous les degrés de violence du xxe siècle, le roman est avant tout un efficace voyage dans le domaine de l'horreur.
Avec Les Larmes d'Icare, Dan Simmons montre qu'il peut aussi être à l'aise dans une littérature plus intimiste. Richard Baedecker est un ancien astronaute d'une des missions Apollo. De retour sur Terre, il a du mal à trouver un sens à sa vie. Il est si difficile de renouer avec la gravité alors qu'on a marché sur la Lune ! Le malaise existentiel de Baedecker renvoie à celui de l'Amérique, qui a abandonné son rêve icarien.[...]
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Écrit par
- Denis GUIOT : historien de la science-fiction
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