SCHUTZ DANA (1976- )
Dana Schutz est une artiste américaine, née en 1976 à Livonia, dans la banlieue de Detroit (Michigan). Formée à la peinture au Cleveland Institute of Art puis à la Columbia School of Fine Arts (New York), elle est remarquée avant même l’obtention de son diplôme et se voit proposer en 2002 une première exposition personnelle par la galerie new-yorkaise LFL.
Manger et être mangé
Elle y présente une série d’une douzaine de toiles dont le personnage central est Frank, le dernier homme sur Terre, vu par l’ultime artiste, seule capable de témoigner de la réalité de son existence. Différentes scènes, situées sur une île désertée, montrent Frank nu, la peau brûlée par le soleil, hagard parmi les plantes exotiques ou sous la nuit étoilée, puis pareil à une odalisque sur une plage irradiée de jaune. Cette série contient déjà les principales composantes de l’œuvre à venir : le goût pour la narration, de plus en plus énigmatique, le sens de la couleur, qui ne cesse de s’aiguiser, l’intérêt pour l’histoire de l’art souvent citée, sans oublier la théâtralité, l’emphase, l’humour noir ou la densité formelle. Autant de manières pour l’artiste de s’interroger sur les fonctions de la peinture.
Cette exposition à la LFL Gallery ouvre à Dana Schutz la voie de la reconnaissance. Ainsi, l’année suivante, Lovers(2003, Rubell Museum) est choisi par le commissaire d’exposition chinois Hou Hanru pour figurer dans Z.O.U. – Zone of Urgency, l’une des expositions collectives au programme de la cinquantième édition de la Biennale d’art contemporain de Venise. Dans un parc aux tons acides, un couple s’embrasse jusqu’à s’entremanger. Confirmant son statut, Schutz est invitée en 2004 par le musée du Johnson County Community College (Overland Park, Texas) – devenu le Nerman Museum of Contemporary Art – pour sa première exposition dans une institution. Elle montre certaines de ses toiles les plus marquantes, issues de la série des « Self Eaters », dans lesquelles les personnages s’autodévorent (la main, le bras, la face, la jambe) pour se nourrir. L’artiste y voit une métaphore de la peinture, fondée sur la composition et la décomposition, c’est-à-dire sur la digestion des formes, mais aussi une métaphore des États-Unis qui, par le biais de la consommation de masse, ne cessent de produire et de détruire dans un même mouvement de régénération infinie. Ainsi, de l’informe, cet impensé de l'œuvre d'art selon Georges Bataille, naît le tableau, servi par une palette éclatante et une touche remarquablement vivante.
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Écrit par
- Camille VIÉVILLE : docteure en histoire de l'art contemporain, historienne de l'art, auteure
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