DANGEROSITÉ, psychologie
Le terme « dangerosité » a fait l’objet de multiples débats et controverses. Dans cette section, nous nous appuierons sur la définition de James Ogloff qui renvoie à « la notion de comportement physiquement violent dirigé envers soi-même ou autrui ainsi quela menace de tel comportement ». La dangerosité inclut ainsi une vaste gamme de comportements physiques et verbaux qui sont suffisamment sérieux pour susciter potentiellement une intervention légale. Le terme décrit particulièrement « un acte, une situation où un individu fait courir un risque de préjudice à autrui » (Ogloff, 1995).
Pendant longtemps, la prédiction du risque de violence s’est faite de manière informelle, voire intuitive. Les cliniciens considéraient la dangerosité comme une caractéristique « stable » relevant de la personnalité du sujet. Il a été montré, depuis longtemps, qu’une grande majorité des prédictions du risque de violence formulées par les cliniciens, sur la seule base d’une approche structurale, produisaient le plus souvent de « faux positifs » (la période de suivi, dans ce cas, n’est pas enfreinte par une nouvelle infraction violente, contrairement à ce qui avait été prédit).
Il existe plus de deux cents instruments permettant d’évaluer le risque de récidive violente. Il y a d’abord des instruments « statiques » (tels que le VRAG-R pour Violence Risk Appraisal Guide-Revised) qui sont actuariels et basés sur des probabilités statistiques de comportements violents. Ces instruments comprennent des variables démographiques, délictueuses, criminologiques, voire diagnostiques qui sont liées au passé de l’individu. Ils évaluent le risque de récidive à partir d’informations judiciaires, sociales, institutionnelles ou cliniques. Le score total obtenu renvoie à une catégorie de risques et constitue un prédicteur « modéré à élevé » de la récidive violente à moyen et à long terme. Ces instruments contribuent à réduire de près de la moitié les faux positifs et dans une moindre mesure les faux négatifs, plus rarement formulés par les professionnels. Néanmoins, ils prêtent le flanc à plusieurs critiques : ils sont centrés sur la prédiction plutôt que sur la gestion du cas et sont focalisés sur le passé individuel, au détriment du présent et du futur ; ils contiennent des variables de risque qui peuvent augmenter, mais pas diminuer au fil du temps ; ces variables s’additionnent et débouchent sur un score total de nature hétérogène ; ces variables sont peu nombreuses, de natures différentes, et peuvent ignorer des tendances comportementales plus rares ou spécifiques à des individus particuliers (menaces de mort). Enfin, ils laissent de côté les paramètres intégratifs liés à la qualité de vie.
Des instruments dits de « jugement clinique structuré » ont ensuite été développés (par exemple, le HCR-20, pour Historical Clinical Risk-20). Outre des variables statiques (antécédents de comportements violents), ces instruments incluent des variables « dynamiques » dont l’évolution peut être réversible ou aggravée. Ces variables sont de nature psychologique (déficit d’introspection…), criminologique (non-respect des conditions légales…) ou sociale (manque de support personnel…). Ces instruments prennent davantage en considération la singularité des individus. Ils évaluent la dangerosité sur la base d’informations judiciaires, sociales et psychologiques concernant l’individu évalué. Le HCR-20 figure parmi les instruments les plus utilisés dans le monde pour évaluer le risque de récidive.
Ces instruments présentent plusieurs avantages. Ils combinent les facteurs statiques et dynamiques. Ils ne se limitent pas à la prédiction, mais aident à la gestion du comportement violent. Ils intègrent le jugement clinique relatif à la signification des marqueurs de risques. Enfin, ils considèrent des marqueurs[...]
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Écrit par
- Thierry H. PHAM : docteur en psychologie, directeur de recherche au Centre de recherche en défense sociale, Tournai (Belgique), professeur à la faculté de psychologie et des sciences de l'éducation, université de Mons (Belgique)
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