MOI DANIEL ARAP (1924-2020)
Homme politique kenyan, président de la République de 1978 à 2002.
Daniel Toroitich arap Moi est né le 2 septembre 1924 à Kuriengwo (colonie du Kenya, auj. comté de Baringo), dans la région dite des white highlands, une zone accaparée par les colons britanniques afin d’y développer de vastes fermes. Ce jeune berger perd très tôt son père. Comme beaucoup d’orphelins de l’époque, il trouve refuge dans la plus proche mission chrétienne, l’African Inland Mission, un mouvement fondamentaliste américain. Il se convertit au christianisme et devient instituteur, puis directeur d’école.
Ce grand chrétien austère et discret est élu en 1955 au sein du Conseil législatif qui ne compte que cinq représentants africains. Il fait partie en 1960 des principaux fondateurs de la Kenya African Democratic Union (KADU), un parti qui représente les petites ethnies du pays et milite pour un système fédéral. À ce titre, il participe aux négociations qui mènent à l’indépendance.
Dès 1964, il rejoint le parti majoritaire, la Kenya African National Union (KANU). En tant que ministre de l’Intérieur, il se constitue un réseau clientéliste, notamment dans les communautés d’origine indienne, sur lequel il va capitaliser tout au long de sa carrière. Son ascension politique s’accélère en 1967 quand il devient vice-président. Jomo Kenyatta (1893 env.-1978), le premier président du Kenya indépendant, le choisit, car il s’est imposé comme le leader incontesté de la vallée du Rift et le chef de l’État a besoin que les paysans pauvres de son ethnie, les Kikuyu, puissent accéder aux riches terres de cette région sans se faire rejeter par les populations kalenjin qui se considèrent comme les occupants originaires et légitimes. Le « père de la Nation » apprécie également la modestie et l’apparence pataude de Daniel arap Moi qui ne lui fait pas d’ombre. Dix ans durant, Moi joue son rôle de second efficace et tout en retenue.
En 1978, il succède à Jomo Kenyatta à la mort de celui-ci. Il s’affirme comme un président populaire et populiste qui poursuit la politique libérale et pro-occidentale de son prédécesseur. Mais la période de croissance économique rapide est bien terminée. Les frustrations gagnent de nombreux milieux sociaux et notamment certaines fractions de l’armée qui tentent en 1982 un coup d’État vite réprimé. C’est l’occasion pour le président de se débarrasser de certains membres de l’élite gouvernante devenus encombrants, en particulier le puissant Charles Njonjo aux ambitions trop visibles. Du fait de la conjoncture économique, la machine clientéliste de l’État se grippe et la répression s’accentue tout au long des années 1980 pour contrôler une population dont les conditions de vie se détériorent.
Après la chute du Mur de Berlin, les puissances occidentales font pression sur de nombreux autocrates africains afin qu’ils libéralisent leur régime. Le président Moi légalise le multipartisme en 1991 et concède une réelle liberté d’expression. Cela n’en fait pas pour autant un démocrate sincère. Les élections générales de 1992 se déroulent dans un climat général de tensions. Dans plusieurs régions que les gouvernants souhaitent verrouiller, de véritables nettoyages ethniques sont organisés, faisant plusieurs milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. Les caisses de l’État ont été pillées à l’occasion de ce que l’on a appelé le scandale Goldenberg afin de financer la campagne électorale du parti au pouvoir. Profitant de la désunion de l’opposition qui a présenté de nombreux candidats, le président Moi est réélu pour la troisième fois avec un peu plus d’un tiers des voix.
Tout au long des années 1990, la récession ne cesse de s’accentuer. Le pouvoir a désorganisé la filière du café, les régions productrices étant liées à l’opposition. Le secteur des céréales est en[...]
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Écrit par
- Hervé MAUPEU : maître de conférences en sciences politiques, université de Pau et des pays de l'Adour
Classification
Médias
Autres références
-
KENYA
- Écrit par Bernard CALAS , Encyclopædia Universalis , Denis Constant MARTIN , Marie-Christine MARTIN et Hervé MAUPEU
- 13 794 mots
- 13 médias
...fourniront la base de futurs partis politiques. Les élections de 1957 favorisent l'émergence de nouveaux dirigeants : Tom Mboya, Oginga Odinga, Ronald Ngala, Daniel arap Moi. Ils réclament une autre constitution et l'obtiennent en 1957 avec la « parité » entre Africains (6 millions) et Européens (50 000) au...