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BOULANGER DANIEL (1922-2014)

Né le 24 janvier 1922 à Compiègne, passé par le petit séminaire, résistant pendant l’Occupation, puis bourlingueur tâtant de tous métiers, Daniel Boulanger, en même temps qu’il publie ses premiers romans, fréquente le mileu de la Nouvelle Vague. On le voit ainsi dans À bout de souffle (1959) et Tirez sur le pianiste (1960). Il signe par la suite, en tant que scénariste, nombre de films très connus : L'Homme de Rio, Le Voleur, La Vie de château, Cartouche, Le Diable par la queue, Police Python 357, Le Cheval d’orgueil, entre autres. À partir de 1969, il quitte Paris pour Senlis (Oise). De 1983 à 2008, il sera membre de l’académie Goncourt.

Il n'est guère de véritable nouvelliste, dans la littérature française, qui n'ambitionne de réaliser sa « Comédie humaine ». Daniel Boulanger n'échappe pas à la règle, en en délimitant volontiers son champ d’action : le monde de ses nouvelles est un saupoudrage de petits faits vrais, dont le théâtre est, le plus souvent, une ville de la province française, avec de fréquents rappels des grands événements du passé proche (la guerre de 1914-1918 ; l'Occupation...). Les personnages portent des noms teintés d'archaïsme et sont fréquemment des « dérangés » ou bien des êtres qui « ont quelque chose à part » (les deux expressions sont empruntées à l'auteur). La destinée de ces petits bourgeois, marginaux de caractère, de profession ou de physique, est présentée dans un moment de fracture ou de paroxysme : un suicide, un adultère, un fait divers, la mort... Au nom de cet écart, en vertu du pouvoir que lui confèrent sa tendresse et son indiscrétion, l'auteur sacre ses créatures du beau nom de « princes » : Les Princes du quartier bas (1974) est le titre générique d'un recueil venant après bien d'autres, Les Noces du merle (1963), Le Chemin des caracoles (1966), Mémoire de la ville (1970), Fouette, cocher ! (1973), pour être suivi par Le Chant du coq (1980), Table d'hôte (1982), Les Jeux du tour de ville (1983), ou encore L’Été des femmes (1985).

« La nouvelle n'essaie pas de comprendre, de soulager ou d'expliquer, elle viole et livre ! C'est l'art de la traîtrise, du ragot. Elle ne tient pas sa langue, sous son aspect taciturne. Elle sous-entend beaucoup à proportion qu'elle dit peu. Elle livre la faute de la beauté, la plaie du bât. Le nouvelliste n'est pas un moraliste, mais un voyeur. [...] On est dans l'amitié d'un roman, dans la rêverie d'un conte, dans l'hygiène d'un récit. La nouvelle est une passe » (« De la nouvelle », in N.R.F., janv. 1975).

On le voit, Daniel Boulanger, qui a aussi publié des romans et des récits – Le Gouverneur polygame (1960), Les Portes (1966), La Dame de cœur (1979), Un été à la diable (1992), Le Retable Wasserfall (1993) –, confère à la nouvelle une grande originalité formelle et c'est d'abord à travers elle qu'il a trouvé son mode d'expression privilégié. Ses nouvelles ont été rassemblées en quatre forts volumes (1999-2003). C'est le genre de l'extrême tension, voire de l'exagération dans le réalisme (cette fameuse réalité qui dépasserait la fiction). Et le styliste Boulanger est à la hauteur de la tâche. Son écriture, très fruitée, recourt largement à toutes les sensations conjuguées, elle sait ajouter la pointe d'une image hardie qui, par contraste, révèle les dominantes.

On trouve dans la parution régulière de livres de poèmes, Retouches (1970), Les Dessous du ciel (1973), Tirelire (1976), Volière (1980), comme un creuset de style. Chaque poème, bref, est une « retouche à... » (« Retouche à l'intouchable, retouche à la domination, retouche à la galère... »), retouches au réel ou au langage, comme on fait d'une photographie pour un meilleur contraste, d'un vêtement pour un[...]

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