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MESGUICH DANIEL (1952- )

Né à Alger en 1952, installé avec sa famille à Marseille dix ans plus tard, dans des conditions matérielles difficiles, Daniel Mesguich rejoint Paris après Mai-68 et intègre le Conservatoire national supérieur d'art dramatique en 1970, après avoir débuté un cursus universitaire de philosophie. Son apprentissage intellectuel est celui d'un passionné, ouvert aux disciplines modernes telles que la psychanalyse, le structuralisme, la linguistique.

Il reçoit au Conservatoire l'enseignement d'Antoine Vitez, qui l'impressionne fortement par son exigence de pratiquer un théâtre des idées, de lier l'art et la philosophie. La première mise en scène de Daniel Mesguich, Le Château, d'après Kafka, en 1972 – où il interprète lui même le rôle de K. et dirige ses camarades du Conservatoire –, évoque Vitez sur le mode du plagiat. Mais cette première tentative est remarquée, comme le sera, pour son audace et ses partis pris inventifs, Le Prince travesti de Marivaux, créé en 1973, agaçant tout de même les réfractaires au dynamitage des normes dramatiques traditionnelles.

C'est en 1974 que Mesguich fonde sa compagnie, le Théâtre du Miroir. Il déploie dès cette époque une inlassable activité. Celle-ci se partage entre la mise en scène de théâtre ou d'opéra (Le Grand Macabre de Ligeti en 1981, Le Ring de Wagner en 1988, La Damnation de Faust de Berlioz en 2002), ses responsabilités administratives (il est directeur du Centre dramatique national - Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis de 1986 à 1988, puis du Théâtre de la Métaphore à Lille, de 1991 à 1998) ; sa carrière de comédien de théâtre (il est Camille Desmoulins pour Robert Hossein en 1979), de télévision (il incarne Bonaparte dans une réalisation de Robert Mazoyer), de cinéma, et la pédagogie (il dirige sa propre école de 1975 à 1981 et enseigne au Conservatoire national depuis 1983), ou encore l'écriture et la traduction. De 2007 à 2013, il dirige le Conservatoire national d'art dramatique de Paris.

Nourries de références philosophiques ou psychanalytiques (Derrida, Lacan) et d'une réflexion sur la langue (Mallarmé, Saussure, Barthes), les mises en scène de Mesguich sont réputées être « intellectuelles ». Il aime pourtant y faire intervenir des éléments « impurs », appartenant à la culture populaire, de la bande dessinée, à la musique de variété. Son approche des pièces relève de la mise en crise de celles-ci. C'est avec les « classiques » que sa démarche apparaît le plus lisiblement : « La caractéristique fondamentale d'un texte qu'on dit classique, c'est la différence en lui déjà de son passé antérieur d'imprimerie et de son passé de représentation ; c'est le jeu, en lui déjà, de deux textes qui le constituent. » Il s'agit donc de suggérer l'ensemble des interprétations dont s'est chargée l'œuvre au fil de son histoire non seulement théâtrale mais aussi culturelle.

La théâtralité affirmée, outrancière, des travaux de Mesguich emprunte volontiers la forme de certains procédés récurrents : jeux de miroirs, dédoublement des personnages, attitudes et diction paroxystiques – que d'aucuns qualifient d'hystériques –, décalage du texte et de l'image scénique. À la scène unifiée il préfère le décor éclaté, multiple, suggérant dans un même espace des lieux divers.

La « lecture » du metteur en scène, le commentaire de la pièce viennent parasiter son déroulement : Mesguich cite ses sources. Il éclaire ainsi Racine (Bérénice, Mithridate, 1996) de références qui lui sont postérieures (Freud et Beckett). Les romantiques français l'attirent : il met en scène Lorenzaccio de Musset, en 1986, ou Marie Tudor de Victor Hugo, en 1991, poussant jusque dans leurs derniers retranchements les aspects mélodramatiques et[...]

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Écrit par

  • : écrivain, metteur en scène, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Autres références

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - L'interprétation des classiques

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    • 7 271 mots
    • 1 média
    ...avec appréhension, qu'on peut lire, mais qu'on redoute de jouer au point qu'on a pu se demander, comme Christian Rist, s'il est nécessaire de le faire. Enfin, et depuis longtemps, Daniel Mesguich explore Racine comme il explore le désir racinien (Bérénice, 1996 ; Andromaque, 1999), en mélangeant les...