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SCHMID DANIEL (1941-2006)

Citoyen hélvétique, Daniel Schmid a illustré une des tendances du jeune cinéma allemand avant de se replier sur des thèmes propres à son pays d'origine, dans des œuvres plus intimes (Hors saison) ou plus engagées dans les réalités de la Suisse (Berezina). Issu d'une famille qui dirigeait depuis plusieurs générations un grand hôtel (aujourd'hui le Romantik Schweizerhof) situé à Flims, une station de montagne du pays des Grisons, il a utilisé ce cadre particulier comme lieu de tournage pour Cette nuit ou jamais et vingt ans plus tard pour un film semi-autobiographique, Hors saison. Né dans une région de langue romanche, c'est en allemand qu'il fait ses études, à Berlin où il réussit le concours d'entrée de la toute nouvelle école de cinéma. Il fait partie de la première promotion, aux côtés de personnalités aussi diverses qu'Helke Sander, Wolfgang Petersen, Harun Farocki, Christian Ziewer...

Au sein du nouveau cinéma allemand, Daniel Schmid a tout d'abord été perçu comme un baroque, adepte d'un cinéma « décadent », tout comme Werner Schroeter (avec qui il lui est arrivé de collaborer), voire Hans-Jürgen Syberberg. Malgré leur ambivalence, de tels qualificatifs soulignent l'originalité de son œuvre : un style antinaturaliste, une inspiration poétique qui se tourne vers l'opéra et la chorégraphie. Cette nuit ou jamais (Heute Nacht oder nie, 1972), inspiré par une ancienne tradition de Bohême qui voulait que le jour de la Saint-Jean Népomucène, maîtres et serviteurs échangent leurs rôles sociaux, est un film surprenant, chargé de références à l'esthétique fin de siècle et à la Sécession viennoise, et nourri d'imageries populaires. Daniel Schmid s'oriente plus profondément vers l'opéra dans La Paloma (1974), film fractionné, symboliste, non dépourvu de clins d'œil vis-à-vis des grands anciens (Stroheim), et dont les plans sont souvent construits comme des tableaux kitsch. Sa fascination pour le mélodrame s'exprime plus ouvertement dans deux autres films : Violanta (1977), qui se réfère aussi à la tradition fantastique, et L'Ombre des anges (Schatten der Engel, 1976), sur un scénario controversé que lui a apporté R. W. Fassbinder. C'est une adaptation de la pièce de ce dernier, L'Ordure, la ville et la mort, alors contestée en Allemagne et considérée comme antisémite – accusations abandonnées plus tard, trop tard pour le film et surtout pour Fassbinder lui-même. Le rôle principal, celui de la prostituée payée par le spéculateur corrupteur pour l'écouter et non pour exercer son métier, est tenu par Ingrid Caven, déjà très présente dans Cette nuit ou jamais et dans La Paloma, et qui doit ainsi ses plus grands rôles non à Fassbinder, mais à Daniel Schmid.

L'opéra, le mélodrame, la théâtralisation des récits, qui restent les bases de l'art de Schmid, fondent son œuvre documentaire, avec des travaux sur Douglas Sirk, le maître du mélodrame flamboyant admiré également par Fassbinder (Imitation of Life, 1983), sur les anciens artistes lyriques pensionnaires de la Casa Verdi (Il Bacio di Tosca, 1984), sur un acteur du Kabuki (Visage écrit[Das geschrieben Gesicht], 1995). Il a d'autre part réalisé son rêve de mettre en scène des opéras classiques, à Zurich et à Genève.

Ses premiers films, ceux qui ont le plus impressionné, ont été réalisés avec une grande économie de moyens matériels. Lorsqu'il a accédé à des conditions de travail plus normalisées, son style s'est, sinon banalisé, du moins fortement atténué, au point de réduire la dramatisation aux codes du romanesque qu'il voulait subvertir : ainsi pour Hécate, maîtresse de la nuit (1982), d'après un texte désuet de Paul Morand adapté avec le concours de Pascal Jardin. Faisant retour au pays natal, Daniel Schmid a évoqué le[...]

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    ...auteurs pratiquent au total un cinéma « intégré », soucieux, à des degrés divers, de psychologie et, en tout cas, de réalisme. Rien de semblable avec Daniel Schmid (1941-2006). Formé à Berlin, proche de Werner Schroeter et de Rainer Werner Fassbinder, il participe de ce courant européen du cinéma rétro,...