TOSCAN DU PLANTIER DANIEL (1941-2003)
En 1974, Nicolas Seydoux, l'un des héritiers Schlumberger, devient propriétaire de la maison Gaumont. Il va lui faire prendre le virage de la modernité, avec le concours de son ami Daniel Toscan du Plantier, né en 1941 à Chambéry, et venu de la publicité et de la presse (France-Soir).
Le duo relance la doyenne des sociétés cinématographiques françaises pour en faire une des entreprises phares de l'audiovisuel hexagonal. Le circuit de salles s'étend et se modernise, la distribution se restructure, l'activité se diversifie : édition musicale et discographique (Erato), livre (Ramsay), presse (Le Point), production télévisuelle, publicité – et plus tard vidéo. Le groupe s'internationalise, créant des filiales en Italie, au Brésil, aux États-Unis, où Gaumont s'associe avec Columbia et crée une chaîne francophone pour le câble.
Daniel Toscan du Plantier se consacre tout particulièrement à la production de films, un secteur qu'il marquera durablement. Il commence par modifier le style maison, qu'Alain Poiré (1917-2000) a confiné jusqu'alors dans les genres populaires. En 1975, Toscan, comme on l'appelle bientôt, définit sa politique. Son credo tient en une phrase : « Nous croyons que l'économie de marché n'est pas incompatible avec la qualité culturelle. » Très vite, il applique une politique de prestige, en produisant Rohmer (La Marquise d'O), Bergman (Fanny et Alexandre), Fellini (La Cité des femmes, Casanova, puis Et vogue le navire), Pialat (Loulou, À nos amours), et en soutenant certains projets de Chabrol, Truffaut, Beineix, Comencini, Scola, Kurosawa, Wajda... Il produit aussi La Dentellière, de Claude Goretta, Diabolo menthe, de Diane Kurys, et une série de comédies en accord avec l'air du temps, inaugurée par Cousin, cousine, de Jean-Charles Tacchella dont le succès aux États-Unis, en 1976, encourage sa nouvelle stratégie. Cette politique va également s'illustrer dans de coûteuses adaptations d'opéras, à partir du Don Giovanni de Joseph Losey, avec Ruggiero Raimondi (1979), où les intérêts bien compris d'Erato permettaient d'intégrer plusieurs objectifs de rentabilisation. Suivront Carmen, de Rosi, avec Julia Migenes, La BohËme, de Comencini, avec Barbara Hendricks – la prise de risque revenant avec Parsifal de Syberberg. Les engagements de Toscan du Plantier en faveur du cinéma d'auteur (Robert Bresson, Benoît Jacquot, Marguerite Duras, Chantal Ackerman, André Téchiné), ont souvent rencontré des résultats décevants – l'échec commercial le plus cinglant ayant été Les Sœurs Brontë de Téchiné.
En fait, c'est moins la politique de production elle-même qui est en cause que les illusions de la diversification et de l'internationalisation, qui conduisirent à la catastrophe de Gaumont-Italie. En 1985, Toscan du Plantier est sacrifié sur l'autel de la rentabilité. Plus exactement, de la rentabilité à court terme : car le catalogue de films qu'il a constitué prend une grande valeur marchande avec l'explosion télévisuelle européenne. Quittant Gaumont avec Erato dans ses bagages, il poursuit une carrière de producteur indépendant avec Erato Films, puis Euripide, lorsque la maison de disques est rachetée par Warner. Fidèle à la ligne qu'il s'était fixée, il soutient Maurice Pialat pour Sous le soleil de Satan(palme d'or à Cannes en 1987) et Van Gogh, Satyajit Ray pour ses deux dernières créations, et produit de nouveaux films-opéras : Boris Godounov de Zulawski, Madame Butterfly de Frédéric Mitterrand, Tosca de Benoît Jacquot – sans oublier le filon de la comédie modernisée (La Dilettante de Pascal Thomas, succès surprise de l'année 1999).
Séduisant et disert, convaincant dans ses avis sur l'évolution du cinéma français, Daniel Toscan du Plantier a multiplié les interventions sur tous[...]
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Écrit par
- Daniel SAUVAGET : économiste, critique de cinéma
Classification
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