WOODRELL DANIEL (1953- )

Écrivain américain, Daniel Woodrell est considéré par les amateurs de romans noirs comme un de meilleurs représentants de ce genre littéraire. Après l’adaptation cinématographique, en 2010, de son livre Un hiver de glace, par la réalisatrice Debra Granik, son œuvre s’est élargie à de nouveaux lecteurs.

Né le 4 mars 1953, à Springfield (Missouri), Daniel Woodrell a vécu de façon un peu chaotique : une adolescence autour de Saint Louis et de Kansas City, puis l’abandon des études à dix-sept ans à la suite de son engagement dans les marines. À son retour de l’armée, il voyage en auto-stop à travers les États-Unis et occupe des dizaines d’emplois. Il fréquente aussi l’université du Kansas de façon épisodique, obtient un baccalauréat, puis une maîtrise dans un atelier d’écriture de l’Iowa. Ses premières publications sont des nouvelles qui paraissent dans le WashingtonPost Book World et le New York Times. Son premier roman, Sous la lumière cruelle (Under the Bright Lights, 1986) marque le début de sa chronique de Frogtown, un quartier de la ville de Saint Bruno, dans l’État de Louisiane. Vu leurs origines, la plupart des personnages portent des noms à consonance française. Les détectives How Blanchette et René Shade, un ancien boxeur, enquêtent sur la mort de Rankin, citoyen noir et conseiller municipal. Les meurtres vont continuer, révélant la corruption des politiciens locaux et les activités souterraines de la pègre de la ville. Ce premier récit montre combien Woodrell possède le sens du rythme et de la description. Deuxième volet de cette chronique de Frogtown, Battement d’ailes(Muscles for the Wing, 1988) met en scène une confrérie de prisonniers appelée L’Aile, qui entend mettre Saint Bruno, une ville réputée calme, en coupe réglée. Trois hommes de la bande abattent un policier corrompu en présence du maire. Celui-ci fait appel à René Shade pour retrouver et éliminer les meurtriers. Avec Les Ombres du passé (The Ones you Do, 1992) s’achève la saga de Saint Bruno et de la famille Shade. Jusqu’alors, René, le détective, et ses frères, Tip, patron de bistrot, et François, du bureau du district attorney,occupaient le devant de la scène. Dans cet ultime volet de la trilogie, ils cèdent la vedette à John X., leur père, séducteur et joueur de billard souverain devenu alcoolique. Romantique et parfois cocasse, cet épisode est aussi le plus émouvant de la saga des Shade.

Dans Faites-nous la bise (Give us a Kiss, 1996), Daniel Woodrell met en scène la famille Redmond, dont chaque membre est un peu truand, rendant ainsi hommage à ses ancêtres qui vivaient bien avant la guerre civile dans la région des Ozarks. Dix ans plus tôt, il avait écrit un roman historique, Chevauchée avec le diable (Woe to Live on, 1987), situé en pleine guerre de Sécession. Ayant pour protagonistes deux jeunes de seize ans qui s’engagent dans une troupe des rebelles sudistes, ce voyage initiatique en forme de descente aux enfers a séduit le réalisateur Ang Lee, qui a adapté le livre au cinéma en 1999.

Dans ses romans suivants, Woodrell, proche de l’univers de Jim Thompson, devient le porte-parole des laissés-pour-compte de l’Amérique. C’est le cas du protagoniste de La Fille aux cheveux rouge tomate(Tomato Red, 1998), Sammy Barlach, un jeune traîne-savate qui travaille comme manœuvre dans l’usine de nourriture pour chiens de West Table, dans le Missouri. Il fait la connaissance de Jason et Jamalee, un frère et une sœur qui logent dans une baraque vétuste. Ils ont la tête pleine de rêves et la rage au ventre de n’être pas nés dans le bon quartier. Le drame se noue lorsque Jamalee, qui avait postulé pour un emploi de serveuse dans un club de golf privé, est humiliée publiquement.

On découvre un autre portrait de perdant dans La Mort du petit cœur(The Dead of Sweet Mister, 2001).Shuggie, un adolescent solitaire et obèse, cumule les[...]