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SALLENAVE DANIÈLE (1940- )

Danièle Sallenave est née en 1940 à Angers, dans une famille d'instituteurs. Normalienne et agrégée de lettres classiques, elle se destine à l'enseignement et devient, dès 1973, maître de conférences à l'université de Paris-X-Nanterre. Elle publie en 1975 son premier récit, Paysage de ruines avec personnages, et réoriente son enseignement vers la poétique du récit en littérature et au cinéma.

Par la suite, elle écrit une trentaine de romans (dont Les Portes de Gubbio, prix Renaudot 1980, et La Vie fantôme, 1986), d'essais (Le Don des morts, 1991 ; À quoi sert la littérature, 1997 ; Castor de Guerre, 2008, une biographie de Simone de Beauvoir), de récits de voyage (Passages de l'Est, 1992 ; Carnets de route en Palestine occupée, 1998) et de pièces de théâtre. Elle est également traductrice, notamment d'Italo Calvino et de Pier Paolo Pasolini. Proche intellectuellement d'Antoine Vitez depuis 1976, elle collabore avec lui jusqu'en 1990, année de sa disparition. Elle signe des articles dans des journaux et des revues (Le Messager européen, Les Temps modernes) et participe également à des actions dans les collèges, autour de la lecture (« Nous, on n'aime pas lire », 2009).

La lecture, qui arrache l'être au monde, l'émancipe en même temps en créant les conditions d'un face à face avec l'imaginaire d'autrui. Éloge est ainsi fait des œuvres de fiction, de pensée et de rêve : elles creusent, entre soi et la société, un espace réservé de solitude, de silence et d'échange. Dans À quoi sert la littérature, l'essayiste estime également qu'« il revient à l'école, du fait de sa double nature – républicaine et „de classes“ –, de fournir à tous connaissances et savoir, discipline civique et maîtrise de la langue, mais aussi de donner, et particulièrement aux plus défavorisés, les armes que la société ou la famille n'offrent pas ».

L'originalité de l'œuvre de Danièle Sallenave est précisément d'articuler l'expérience de la lecture et celle de la création. Avant la chute du Mur de Berlin, déjà, son roman le plus célèbre, Les Portes de Gubbio, met en scène un narrateur – traducteur qui passe trois jours dans un pays d'Europe de l'Est et se voit confier les carnets de S., un professeur de musique au conservatoire. Celui-ci a demandé un congé à sa hiérarchie pour poursuivre des recherches musicales. En fait, hormis quelques ébauches, S. recueille des témoignages sur le compositeur Egon Kaerner qu'il admire : celui-ci est tombé en disgrâce pour avoir refusé de collaborer avec le régime. Au fil de sa recherche, S. note des bribes de lettres de Kaerner sur la musique : « Je veux que chaque homme par elle, dans la solitude de son cœur, retrouve ce quelque chose en lui qui tremble de ne pouvoir s'accorder au temps, de ne pouvoir se rejoindre soi-même dans un entretien infini avec sa propre mort. » À travers la métaphore de la musique, l'écriture témoigne de notre passage dans l'existence, elle devient « une parenthèse dans l'effroyable silence du monde ».

Dans Sibir, Moscou-Vladivostok, mai-juin 2010 (2012), Danièle Sallenave retrouve un peu de l'esprit qui animait Les Portes de Gubbio. À l'occasion d'un voyage qui la conduit, à bord du Transsibérien, de Moscou au terminus oriental de Vladivostok, elle évoque la Sibérie comme un lieu de solitudes peuplé de remords, de souvenirs, d'anticipations, de rêves, dans un récit nourri d'un travail de remémoration et de lectures personnelles, de documents historiques. Cet espace conviendrait à la posture de la création, à sa relation avec la mémoire et la mort que l'essayiste revendique comme condition de la liberté.

Danièle Sallenave a été élue à l'Académie française le 7 avril 2011.

— Véronique[...]

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