DANS LA CHALEUR VACANTE, André du Bouchet Fiche de lecture
Pour nombre de ses premiers lecteurs, Dans la chaleur vacante, livre clair et même spectaculairement aéré, a paru constituer une manière d'énigme. Ces ruptures, ces suspens dont la langue d'André du Bouchet (1924-2001) emprunte au paysage, à l'espace ou au corps sensible une modalité fondatrice, donnaient à lire des sols et des lointains, une meule d'été et la ferraille d'une motocyclette, toute une « thermie » de plein air ; par là, ils introduisaient dans le poème une expérience du laps, empêchant dans le même mouvement toute identification figurale, toute référence illusoire.
L'expérience du vide
En 1961, succédant à de brèves plaquettes éditées en peu d'exemplaires depuis 1951 (par les soins de Jean Aubier, Guy Lévis Mano, Pierre-André Benoit, Jean-Hugues ou Adrien Maeght), reprenant certains de ces premiers poèmes, le recueil laissait entrevoir également une figure nouvelle du poète, comme étrangère aussi, tel ce marcheur giacomettien dont la silhouette fragile allait orner six ans plus tard la revue L'Éphémère, dont André du Bouchet fut l'un des animateurs.
C'est d'ailleurs un portrait de l'auteur gravé à l'eau-forte par Giacometti qui illustre les exemplaires de l'édition originale ; éclairé de vastes espaces laissés en blanc par une typographie exigeante, ce petit livre blanc au format presque carré marque ainsi la reconnaissance d'un jeune auteur dans le champ alors entrouvert d'une génération poétique sans redevance ni soumission à l'ordre du surréel, sans dévotion ni dépendance à l'égard des enjeux idéologiques ou esthétiques des deux décennies d'après guerre. En 1961, le prix de la critique salue pourtant en ce livre moins une figure emblématique que la marque désormais reconnue d'une trajectoire singulière. Ce recueil composé de sept moments distincts (Dans la chaleur vacante, Sol de la montagne, Au deuxième étage, Le Moteur blanc, Face de la chaleur, Sur le pas et Cession) a été précédé d'un autre, intitulé Air (1950-1953) ainsi que de traductions (Joyce, Shakespeare, puis Hölderlin, Mandelstam, Celan) qui s'accompagnent de notes critiques d'une extrême acuité, sur la peinture notamment, et de « carnets de marche » dont Michel Collot a souligné l'importance pour les poèmes des années 1950.
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Écrit par
- Pierre VILAR : maître de conférences à l'université de Pau et des pays de l'Adour, faculté de Bayonne
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