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DANSER SA VIE (exposition)

Présentée du 23 novembre 2011 au 2 avril 2012 au Centre Georges-Pompidou, Danser sa vie (sous-titrée Art et danse de 1900 à nos jours) fut une exposition sans précédent. Pour la première fois une institution muséale nationale consacrait une exposition entière à la danse, ou, plus précisément, aux liens qui unissent les arts visuels et l'art chorégraphique. Que le Centre Georges-Pompidou se soit chargé d'explorer cette histoire inédite des résonances entre les corps en mouvement et les formes plastiques est moins surprenant qu'il n'y paraît. En effet, cette institution, privilégiant depuis son origine les approches pluridisciplinaires, affirme une démarche singulière qui tend à montrer la porosité des frontières artistiques.

Renouant avec la tradition des grandes manifestations transversales, Danser sa vie (titre inspiré d'une phrase d'Isadora Duncan, pionnière de la danse moderne) a réuni plus de quatre cents œuvres sur plus de 2 000 mètres carrés. Elle a mis en avant le rapport étroit, parfois fusionnel, qui s'est établi au cours du xxe siècle entre la danse moderne puis contemporaine et les plasticiens. Constituée de toutes les traces possibles de danse laissées par les chorégraphes (notation, films, photographies) et d'œuvres de plasticiens en tout genre (peintures, sculptures, installations), elle expose donc l'art du corps en mouvement, qu'il soit représenté physiquement ou plastiquement, et force les points de vue à se croiser, à se réfléchir, pourrait-on dire.

Découpée en trois parties thématiques – « Danses de soi », « Danse et abstraction », « Danse et performance » –, l'exposition invite ainsi le public à la réflexion sur les influences partagées des arts et à une relecture de l'art moderne au travers du prisme de la danse.

Danses de soi

Placée sous les auspices de La Danse dite Danse de Paris (1931-1933), monumental triptyque d'Henri Matisse, la première partie de l'exposition présente la danse comme une expression de la subjectivité. En effet, en ce début du xxe siècle, la revendication de modernité rencontre la notion de singularité individuelle. En découlent les gestuelles inventées par les chorégraphes (et non codifiées comme dans le ballet) ainsi que la forme du solo, jamais utilisée auparavant. C'est aussi l'époque où la danse apparaît comme l'expression d'une émotion ou d'une sensation, comme l'énonce l'Américaine Isadora Duncan dans son ouvrage Ma vie (1928) : « Mon art est précisément un effort pour exprimer en gestes et en mouvements la vérité de mon être. Dès le début je n'ai fait que danser ma vie. » Cette partie de l'exposition s'attache à montrer l'euphorie des corps dansants. La danse est alors le moteur des avant-gardes, osant la nudité, donnant une représentation des corps « libérés » bien avant que le terme libération corporelle ne soit employé. On y retrouve donc les cortèges bachiques développés par Émile Jaques-Dalcroze ou Rudolf von Laban au sein de paysages naturels et les peintures de Henri Matisse ou d'André Derain (Danse bachique, 1906), le courant de la danse d'expression allemande qui s'étend de Mary Wigman jusqu'au Tanztheater de Pina Bausch (dont on voit Le Sacre du printemps, filmé en 1978), les toiles d'Emil Nolde ou d'Ernst Ludwig Kirchner (Tête de Mary Wigman, 1926), L'Après-midi d'un faune (1912) de Vaslav Nijinski dont la sensualité déclencha le scandale, et les bronzes d'Auguste Rodin... Tous ces artistes ont en commun de penser la danse comme subjective, fondée sur leur propre vécu et devant exprimer l'intériorité des sentiments. L'ivresse, l'extase, l'émancipation des corps et la référence à la Grèce antique font également partie de cette approche.

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Écrit par

  • : écrivaine, journaliste dans le domaine de la danse

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