DANUBE
Le Danube de toutes les Hongries
C'est environ 1 000 kilomètres après sa source que le Danube quitte le monde germanique et alpin pour entrer dans le milieu carpatique. Le fleuve pénètre d'abord en Slovaquie, dont il arrose la capitale, Bratislava (447 000 habitants en 2005). Après la prise de Budapest par les Ottomans en 1541, la ville était devenue la capitale de la Hongrie des Habsbourg, sous son nom allemand de Presbourg. Et, aujourd'hui encore, le sud de la Slovaquie est peuplé de Hongrois. Le Danube n'est entièrement en Slovaquie que sur une vingtaine de kilomètres, tandis qu'il constitue la frontière politique avec la Hongrie sur 172 kilomètres. Or les tensions actuelles entre les deux pays sont justement fondées sur l'échec de l'utilisation commune du fleuve.
L'aménagement du tronçon situé entre Gabčikovo et Nagymaros fut pensé en 1956, quand l'U.R.S.S. mit au point un projet de barrages devant permettre la navigation à grand gabarit de la mer Noire à Bratislava, complétant ainsi le système des cinq mers soviétique. Si les Portes de fer furent effectivement équipées entre la Yougoslavie et la Roumanie, les travaux situés plus en amont posèrent plus de problèmes. Malgré l'accord signé en 1977 entre la Tchécoslovaquie et la Hongrie, ce dernier pays tarda à s'engager et finit par dénoncer unilatéralement la convention en 1989, alors que l'ouvrage de dérivation était pratiquement achevé. L'arrêt de la construction eut un grand retentissement politique. En effet, au moment où le bloc de l'Est allait éclater, la Hongrie tenait à se positionner dans une attitude antisoviétique, au contraire de la Slovaquie. Mais d'autres causes s'étaient cumulées pour expliquer l'abandon. Les difficultés techniques avaient été les premières à ralentir le projet. Ni la Tchécoslovaquie ni la Hongrie ne pouvaient maîtriser seules la réalisation d'un ouvrage si complexe, qui nécessitait de fait une coopération soviétique et autrichienne. Des problèmes écologiques avaient pris le relais, les Hongrois arguant de ce que les divagations du Danube dans sa plaine alluviale alimentaient une nappe de 60 km3 dans laquelle Budapest puise son eau. Mais c'était la cause nationaliste qui avait joué un rôle majeur. Il s'agissait pour la Hongrie de montrer qu'elle n'avait toujours pas accepté que la minorité magyare transdanubienne fût rattachée à la Tchécoslovaquie (par le traité de Trianon en 1920), car ce lac de barrage provoquerait une coupure irrémédiable entre les 700 000 Hongrois de Slovaquie et leur pays d'origine.
Ce refus hongrois a envenimé les relations avec la Slovaquie, différend loin d'être apaisé aujourd'hui, le problème pour Bratislava n'étant pas tant celui de la navigation que celui de la production électrique. La Slovaquie, après avoir terminé un ersatz du grand projet d'ensemble sur son seul territoire, à Gabčikovo, a porté l'affaire devant la Cour internationale de justice, pour rupture de contrat de la part de la Hongrie. L'arrêt rendu en 1997 à La Haye affirme que la convention de 1977 est toujours valable et que les deux pays doivent trouver un terrain d'entente. Pour autant, aucun accord n'a encore été accepté et la Hongrie accuse maintenant la Slovaquie du détournement d'une partie du fleuve.
C'est en quittant son statut de fleuve-frontière que le Danube perd pour la première fois sa direction ouest-est, en effectuant sa célèbre boucle, le Dunakanyar, qui le fait entrer en territoire entièrement hongrois et lui donne cette direction méridienne qu'il gardera jusqu'en Serbie. Après avoir traversé les monts Pilis et Börzsöny, le Danube construit le site de la plus grande ville de tout son cours, Budapest (1 695 000 habitants en 2005). Le fleuve coule au pied de l'escarpement de faille[...]
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Écrit par
- Laurent TOUCHART : professeur de géographie à l'université d'Orléans, président du C.S.T. du pôle-relais zones humides intérieures
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Médias
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