LAFERRIÈRE DANY (1953- )
Windsor Klébert Laferrière naît à Port-au-Prince le 13 avril 1953, quatre ans avant que la dictature duvaliériste ne sévisse en Haïti, de 1957 à 1986. Tout en vivant une enfance heureuse à Petit-Goâve auprès de celle qu’il appelle grand-mère Da, il ne sera indifférent ni à la politisation de son père ni à la fibre littéraire de sa mère. La nostalgie de cette première enfance, avec la mer des Caraïbes en arrière-plan, constitue la couche primaire de son œuvre, comme en témoignent L’Odeur du café (1991) et Le Charme des après-midi sans fin (1997).
De l’idylle à l’exil
Dany Laferrière commence à travailler à Radio-Haïti Inter et à l’hebdomadaire Le Petit Samedi soir. Il n’a pas encore vingt ans. Lorsque de nombreux d’intellectuels doivent s’exiler pour échapper à la dictature indigéniste de Jean-Claude Duvalier, surnommé Baby Doc, et de ses « tontons macoutes », Dany Laferrière ne déroge pas à la règle. L'année 1976 constitue ainsi pour lui une forme d’année zéro. Il évoque cet exil douloureux vers Montréal dans Le Cri des oiseaux fous (2000). Dès lors, son imaginaire va se structurer autour d’une ligne de fuite, télescopant les images, celles idylliques du pays natal où se déploie Le Charme des après-midi sans fin, et celles, trépidantes, de sa mégalopole d’accueil, Montréal, où il arrive en pleins jeux Olympiques. Son premier roman, Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (1985), relate avec une ironie féroce la difficile adaptation au climat québécois et à un nouveau contexte socioculturel. L’acquisition de la liberté d’expression se fait au prix de petits boulots, de chambres sans confort et d’instabilité économique durant presque une décennie. Mais l’écrivain en devenir a du ressort et la bibliothèque de Jorge Luis Borges chevillée au corps. Il va se mettre en quête d’une nouvelle ascendance fictionnelle, peuplée de pères refondateurs aux vertus littéraires pas toujours châtiées, tels qu’Ernest Hemingway ou Henry Miller, mais aussi Blaise Cendrars ou Réjean Ducharme.
La publication de Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer fait date. Elle confirme l’importance des écritures migrantes dans le renouvellement de la littérature québécoise. Dany Laferrière a désormais un nom tandis que son visage apparaît à la télévision en tant que présentateur météo et chroniqueur. La frénésie médiatique ne rend pas pour autant l’écrivain oublieux de ses origines. En 1986, après le renversement de Jean-Claude Duvalier, il revient fugitivement au Pays sans chapeau (1996), à la fois pour retrouver ses souvenirs et comprendre comment son île a pu, à ce point, laisser corrompre ses idéaux.
Dany Laferrière aime les titres « chocs », tel Éroshima (1987), clin d’œil au film d’Alain Resnais, Hiroshima mon amour(1959). Il se plaît à choquer l’esprit réactionnaire. En 1989, l’adaptation au cinéma par Jacques W. Benoît de son premier roman le ravit en même temps qu’elle devient objet de scandale. Ouvert sur le monde médiatique et les arts vivants, l’écrivain poursuit son introspection en absorbant les influences : celle du cinéma y tient une place privilégiée. On lui doit ainsi une collaboration avec le réalisateur Laurent Cantet pour l’adaptation de Vers le sud (2005).
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Écrit par
- Antony SORON : maître de conférences, habilité à diriger des recherches, formateur agrégé de lettres à l'Institut national supérieur du professorat et de l'éducation, Sorbonne université
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Média
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