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DAO [TAO]

Le taoïsme

La définition que l'on vient d'esquisser correspond en gros à un sens propre du mot dao dans la pensée chinoise ancienne, telle qu'elle s'exprime dans les textes fondamentaux des grands penseurs de l'Antiquité (entre les vie et iiie siècles avant notre ère). Par ailleurs, comme le montre Anne Cheng dans son Histoire de la pensée chinoise (1997), sur ce fond commun, tous les auteurs et les grands courants de pensée ultérieurs font usage, plus ou moins grand et plus ou moins original, de la notion de dao, et certains l'ont faite évoluer selon leurs propres besoins. Vers le ier siècle avant notre ère, sans doute en raison de besoins bibliographiques et politiques à la fois, on commence à appeler « école du dao » – ce que nous appelons en Occident taoïsme – un certain courant de pensée, représenté notamment par le Daode jing et son auteur mythique, Laozi, ainsi que par le Zhuangzi. Contrairement à des idées issues de courants antireligieux du xxe siècle, il n'existe aucune distinction entre de prétendus « taoïsme philosophique » et « taoïsme religieux », le second étant présenté comme une dégénérescence populaire du premier.

En réalité, le taoïsme partage pour l'essentiel un bagage cosmologique et philosophique commun avec les autres traditions chinoises, mais développe une vision propre de l'absolu identifié au dao, et du salut comme union avec cet absolu. Dès les textes les plus anciens, dont le Daode jing, le Zhuangzi et quelques autres plus fragmentaires, et jusqu'à aujourd'hui, le salut est appréhendé comme une union au dao ; cette union est favorisée par la méditation sur le corps et le cosmos, par une compréhension des mécanismes du monde, par une reconstruction de l'individu, permise par la maîtrise de ces mécanismes et qui évacue toute contingence pour ne garder du soi que ce qui est transcendant (au sens non pas de séparé du monde mais d'inaccessible au changement, d'éternel). Les taoïstes parlent de leur salut comme de « l'union avec le dao de ce qui, en eux, est transcendant » (yudao hezhen), et le saint est appelé « homme transcendant » ou « homme vrai », zhenren. Cette conception personnalise le dao, lui prêtant même des sentiments (« le dao m'aime »), d'une façon qui est propre aux taoïstes et à laquelle d'autres penseurs, envisageant autrement le salut, sceptiques face à la possibilité de s'unir personnellement à l'absolu, se refuseraient à souscrire.

Par ailleurs, le taoïsme a développé une théologie du dao où la cosmologie commune à la pensée chinoise s'exprime sous une forme propre : du dao émanent des divinités pures (par opposition aux défunts à qui l'on rend un culte posthume), et auxquelles les adeptes s'identifient. Une liturgie, une musique, des formes communautaires, des règles morales sont élaborées autour des mêmes principes d'adhésion à l'ordre moral, naturel et pur du dao, qui, dans le domaine plus individuel de la mystique, a produit les grands textes spéculatifs.

— Vincent GOOSSAERT

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Écrit par

  • : docteur (sciences religieuses, E.P.H.E.), chargé de recherche au C.N.R.S.

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