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RIBEIRO DARCY (1922-1997)

Défenseur des Indiens et héraut du droit des plus pauvres à l'éducation, le Brésilien Darcy Ribeiro fut pendant quarante ans, pour la gauche latino-américaine, une figure emblématique de l'engagement des intellectuels dans l'action politique. Cet engagement s'inscrit dans les hauts et les bas d'une trajectoire personnelle haute en couleur, et en tout cas bien éloignée des standards européens. De l'ethnologie de terrain à la politique active, en passant par la littérature et la haute administration, Darcy Ribeiro mit son talent de communicateur et de polémiste au service de quelques idéaux auxquels il resta fidèle envers et contre tout : fidélité que ce bavard au grand cœur résumait en revendiquant avec orgueil son caractère « monoglotte ».

Né le 26 octobre 1922 à Montes Claros, dans l'État de Minas Gerais, Darcy Ribeiro étudie l'anthropologie à São Paulo et entre en 1947 au Service de protection des Indiens (S.P.I.). Pendant une dizaine d'années, il y partage son temps entre des missions d'observation de tribus indiennes du Brésil central et de l'Amazonie et des tâches d'encadrement administratif (création du Museu do Indio à Rio de Janeiro). De cette période datent de nombreux articles et essais, dont l'un, Uirà vai ao encontro de Maíra (Uirà va à la rencontre de Maíra), paru pour la première fois en 1957, aura un retentissement durable auprès d'un très large public : en quelques pages sobres et denses, Darcy Ribeiro met en évidence, à partir de la destruction d'une famille indienne mise brutalement en contact avec la « civilisation », la problématique des relations du Brésil avec sa population indigène.

C'est l'époque de la construction de Brasília et d'une forte accélération de la croissance économique. Darcy Ribeiro est alors un communiste de tendance populiste. Proche du vice-président travailliste João Goulart, il participe à la création de l'université de Brasília, dont il sera le premier recteur. Lorsque, en 1961, la démission de Jânio Quadros porte João Goulart à la présidence, Darcy Ribeiro devient ministre de l'Éducation puis chef de la maison civile du président. Cependant, la hiérarchie militaire, opposée dès le début aux options politiques du président Goulart, met fin au mandat de celui-ci par le coup d'État du 31 mars 1964. Cette prise du pouvoir par les généraux contraint à l'exil de nombreux hommes politiques et intellectuels de gauche. Exilé lui aussi, Darcy Ribeiro devient une sorte de conseiller itinérant pour les questions d'éducation auprès de gouvernements progressistes (Salvador Allende au Chili, Velasco Alvarado au Pérou). Il écrit aussi cinq volumes de ses Études d'anthropologie des civilisations et un beau roman, Maíra (traduit en français sous le même titre, chez Gallimard), qui concentre en une sorte de récit mythico-policier son expérience d'ethnologue.

Son retour, en 1976, fait de lui l'un des premiers exilés à rentrer au pays, sous la présidence du général Geisel. Alors que la démocratie se réorganise lentement, il participe en 1980 à la fondation du Parti démocratique travailliste (P.D.T.), héritier du Parti travailliste (P.T.) de Vargas et Goulart. En 1982, le président du nouveau parti, Leonel Brizola, est élu gouverneur de l'État de Rio. Darcy Ribeiro sera vice-gouverneur et ministre de l'Éducation. Il lance alors un vaste programme éducatif destiné aux plus pauvres et crée les centres intégrés d'éducation publique (C.I.E.P.). Alors que toutes les écoles brésiliennes fonctionnent, faute de moyens, sur la base de la double utilisation de chaque salle de classe (une tournée d'élèves le matin, une autre l'après-midi), Darcy Ribeiro veut instaurer, à l'intention des plus démunis, le régime du « temps intégral » : cours le matin et l'après-midi, avec un repas complet et l'accès[...]

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  • BRÉSIL - La littérature

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    • 12 169 mots
    L' indianisme resurgit sous de nouveaux atours avec l'anthropologue Darcy Ribeiro (1922-1997) qui, sans idéaliser les Indiens, leur donne la parole. Dans Maíra (Maïra, 1978), il réussit, à travers une intrigue policière, à croiser des itinéraires existentiels en modelant les divers récits selon...