DATION, œuvres d'art
La dation est une modalité exceptionnelle du paiement consistant à remettre au créancier autre chose que l'objet même de la dette (par exemple paiement en nature d'une dette en argent). Souhaitée par André Malraux, alors ministre chargé des Affaires culturelles, la loi no 68-1251 du 31 décembre 1968 « tendant à favoriser la conservation du patrimoine artistique national » a consacré la dation en droit fiscal en introduisant une disposition particulière en application de laquelle les droits de succession peuvent être acquittés par la remise à l'État d'œuvres d'art, de livres, d'objets de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique (art. 1716 bis du Code général des impôts). Cette faculté a été étendue en 1982 au paiement des droits de mutation dus au titre des donations entre vifs et à celui du droit de partage (art. 1131 C.G.I.) ainsi qu'en 1988 au paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter OOA, C.G.I.).
La décision d'acceptation de l'offre de dation est prise par le ministre de l'Économie et des Finances, sur proposition du ministre intéressé par l'affectation, après avis de la Commission interministérielle d'agrément. Cette instance, composée de représentants des différents ministères concernés, se prononce tant sur l'intérêt artistique et historique des biens que sur leur valeur. Le contribuable peut intervenir à tout moment de la procédure pour retirer son offre.
Mode de paiement de l'impôt, la dation doit être consentie sans condition et demeurer, en principe, anonyme. Moyen original d'enrichir le patrimoine national, cette procédure a contribué notamment à l'entrée dans les collections publiques de nombreuses œuvres d'art moderne (les dations sur les plus célèbres étant celles des héritiers de Pablo Picasso qui ont permis la création du musée Picasso à l'hôtel Salé, à Paris, et de multiples dépôts dans des musées classés et contrôlés, ou encore les dations des héritiers de Chagall) mais aussi, pour ne citer que ces exemples, de L'Astronome de Vermeer, de meubles royaux du xviiie siècle, de tapisseries des Flandres, d'une châsse en émail de Limoges datant de la fin du xiie siècle, au musée du Louvre, de deux tableaux de Paul Cézanne, L'Oncle Dominique en avocat et Portrait de Mme Cézanne, d'une toile de Claude Monet, Les Déchargeurs de charbon, de L'Origine du monde de Gustave Courbet au musée d'Orsay.
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Écrit par
- Didier TOUZELIN : D.E.A. de droit privé général, chargé d'affaires juridiques à la Direction des musées de France
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