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BEN GOURION DAVID (1886-1973)

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Construire l'État juif

Immigrants refoulés - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Immigrants refoulés

Méthodiquement, Ben Gourion consolide son pouvoir sur trois fronts. D'abord, il œuvre pour l'unification des différents groupuscules socialistes, objectif finalement atteint en 1930 avec la constitution du Mapaï (Parti des ouvriers d'Eretz Israël) qui dominera la vie politique israélienne jusqu'en 1977 (après s'être transformé en Parti travailliste en 1968). Ensuite, il prend la tête d'une nouvelle organisation, la Histadrout, conçue comme le véritable agent de structuration de la nation juive. Ce « syndicat » intervient aussi bien dans le domaine social (cliniques, restaurants collectifs, bourses du travail...) qu'économique en contrôlant implantations agricoles, coopératives et une multitude d'entreprises. Il gère un réseau d'écoles, des journaux, des clubs sportifs et, surtout, une armée clandestine, la Haganah, dont le rôle deviendra de plus en plus important. La Histadrout fonctionne comme une préfiguration de l'État juif à venir. Enfin, en 1933, Ben Gourion fait des sionistes socialistes la force dominante de l'Organisation sioniste mondiale (O.S.M.), qui rassemble les Juifs favorables à la création d'un foyer national. Désormais, les sionistes-socialistes ont la haute main sur la direction politique de la nation juive. Logiquement, il devient en 1935 le président de l'exécutif de l'Agence juive, c'est-à-dire, de fait, le chef du « quasi-gouvernement » juif en Palestine. Les années 1930 et 1940 s'avèrent décisives. Tant la montée de l'antisémitisme en Europe que la multiplication des tensions judéo-arabes le convainquent que l'heure du « sionisme combattant » est arrivée. Il réclame à la fois la consolidation du proto-État juif (accélération de l'immigration qui a été quasi stoppée par le Livre blanc britannique de 1939, renforcement de la Haganah) et l'appui d'une puissance montante, les États-Unis. En pleine guerre, il y passera plus d'un an pour développer, avec un certain succès, tant chez les Juifs américains que dans les cercles gouvernementaux, une sympathie forte envers la cause sioniste qui se révélera précieuse lors du vote, par l'O.N.U., de la résolution sur le partage de la Palestine, le 29 novembre 1947. Cet activisme n'ira pas sans tension avec Haïm Weizmann, le président de l'O.S.M., qui fut à la fois son allié et son rival, et deviendra par la suite le premier président de l'État d'Israël. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, il engage la lutte politique et militaire contre le Royaume-Uni (immigration illégale des survivants de la Shoah, opérations de sabotage contre les forces britanniques) mais aussi contre les « dissidents » des organisations militaires juives de droite. Cette pression constante conduit Londres à renoncer au mandat sur la Palestine. Ben Gourion saisit cette occasion unique et proclame solennellement, le 14 mai 1948, la création d'un État juif souverain. Il sait la guerre avec les États arabes voisins inévitable mais celui qui est désormais Premier ministre et ministre de la Défense a préparé la jeune armée à cet assaut. Il suit de près les opérations militaires, encourage la combativité des soldats et n'hésite pas, dans certains cas, à approuver l'expulsion manu militari de civils palestiniens. La guerre d'Indépendance aura exigé bien des sacrifices mais la ténacité de Ben Gourion a été payante : l'État d'Israël est né.

Attentat en Palestine, 1947 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Attentat en Palestine, 1947

Création de l'État d'Israël, 1948 - crédits : The Image Bank

Création de l'État d'Israël, 1948

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Écrit par

  • : docteur en sociologie politique, directeur de recherche CNRS, CERI-Sciences Po

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Médias

David Ben Gourion, 1948 - crédits : Keystone/ Getty Images

David Ben Gourion, 1948

Immigrants refoulés - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

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Attentat en Palestine, 1947 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

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