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COOPER DAVID (1931-1986)

Décédé à Paris, David Cooper, dont le nom restera associé aux mouvements antipsychiatrique puis alternatif, naquit au Cap (Afrique du Sud), où il grandit avec son frère, dans une « famille ordinaire ». Après avoir entrepris d'étudier au conservatoire le piano et le hautbois (dans un ouvrage, resté inachevé, il ébauchait une approche structurelle de la musique et de plusieurs autres arts ou disciplines), David Cooper s'orienta vers la médecine. Il obtint son diplôme en 1955 et exerça dans un centre de santé expérimental, de haute technicité, réservé aux Noirs. Il adhérait à cette période au Parti communiste souterrain d'Afrique du Sud. Il vint poursuivre ses études à Londres et obtint en 1960 le diplôme de Psychological Medicine. Marié à une Française, père de trois enfants, il fut pendant un temps le compagnon de la féministe Juliet Mitchell. Dans les années 1960, il s'engagea dans les expériences hospitalières puis communautaires qui, de Londres, le firent connaître dans le monde entier. Puis il rompit avec sa pratique tant privée qu'institutionnelle, à la suite du congrès Dialectique de libération qui se tint à Londres en 1967 sous l'égide de l'Institut d'études phénoménologiques. Après de périlleuses pérégrinations il s'installa en 1972 à Paris. Il y reconstitua, au côté de Marine Zecca, sa compagne et collaboratrice, et avec le soutien de quelques amis et groupes sympathisants, en travaillant à l'université de Vincennes, au C.N.R.S., au Collège international de philosophie..., un cadre qui lui permit (« vivant d'expédients, précisait-il, parce que je ne peux pas, parce que je ne veux pas pratiquer la psychiatrie ») de poursuivre, dans la précarité, ses réflexions et publications.

D'une présence tout à fait extraordinaire, grand, obèse, chevelu et barbu, « Cooper traînait son étonnant visage de patriarche de la désinstitutionnalisation asilaire » (G. Pial). Il incarnait « cette ligne d'opposition à la normalité [...] jusque dans les limites de l'isolement et de la souffrance personnelle » (F. Guattari). Ce fut un être d'excès, tumultueux et vulnérable, un mélange incongru de sensibilité et d'utopie, de compassion et d'émerveillement. En assumant, de 1962 à 1966, la responsabilité d'un pavillon au sein d'un grand hôpital psychiatrique de la banlieue londonienne, Cooper inaugurait, avec son équipe, un nouveau type de situation psychiatrique, avec l'ambition de « constituer un milieu thérapeutique optimal » destiné à réduire le « processus d'invalidation commencé avant l'admission », ainsi que le « rituel d'initiation à la carrière de malade mental ».

Pour traduire ses intentions, il inventa alors le terme antipsychiatrie, qu'il devait ensuite récuser comme étant « malheureux et complètement tordu ». Cette pratique collective reposait notamment sur la sélection de patients jeunes, c'est-à-dire de schizophrènes non chronicisés, sur la priorité donnée au choix de collaborateurs de qualité plutôt qu'au souci des techniques et des programmes, sur un agencement de la quotidienneté comportant l'abolition des contraintes extérieures et la verbalisation des conflits. Une telle pratique en est venue à « jeter un doute croissant sur la conception qui veut que la schizophrénie soit un symptôme médical ou une entité » et à promouvoir « une forme de thérapie qui ne met pas l'accent sur le patient individuel, mais sur le groupe ou le système de communication auquel il appartient, que ce soit dans sa famille ou à l'hôpital psychiatrique ». Mais l'expérience de Cooper se trouva précocement frappée de sclérose institutionnelle, ayant atteint les limites « au-delà desquelles on ne peut s'aventurer sans menacer la stabilité de [...] tout l'édifice ».[...]

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  • ANTIPSYCHIATRIE

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    • 2 424 mots
    David Cooper, le premier – et c'est à lui qu'on doit le terme d'antipsychiatrie –, s'engage dans une expérience en milieu psychiatrique sur le mode des communautés thérapeutiques. Il s'agit de faire en sorte que les malades deviennent responsables de leur communauté et des...