DAVID DE DINANT (fin XIe-déb. XIIe s.)
« Mystérieux auteur d'une œuvre non moins mystérieuse. » Cette formule rend assez bien compte de l'état de nos connaissances sur David de Dinant. On sait qu'il fut condamné ainsi qu'Amaury de Bène au synode de Paris (1210) : « Les Quaternuli de David devaient être apportés à l'évêque de Paris avant Noël afin d'être brûlés ; quiconque les conserverait après ce temps serait excommunié » (Denifle-Chatelain, Chartularium Univ. Paris., t. I). Cette condamnation fut confirmée en 1215 par une lettre de Robert de Courçon, légat du pape. Mais, au concile du Latran (1215), David n'est pas mentionné, tandis que la condamnation d'Amaury de Bène est maintenue.
David, vraisemblablement né à Dinant (principauté de Liège), écrit, au début d'un Quaternulus, qu'il a étudié en Grèce. Il a séjourné à la cour d'Innocent III, qui lui apporte sa protection par une lettre au chapitre de l'église de Dinant, et aussi sans doute à la cour de Frédéric II, qu'il mentionne. On pense qu'il a enseigné à Paris vers 1210, lors d'un de ses déplacements entre l'Italie et Dinant. Le nom de Manthensis, qui lui est donné dans un manuscrit d'Albert le Grand (bibl. Mazarine, ms. 875, fo 13, ro), a fait supposer qu'il a terminé ses jours à Mantes, où florissait une école d'influence chartraine ; il pourrait s'agir de Méan au nord-est de Dinant, en Belgique.
Son œuvre nous est d'abord connue par Albert le Grand, qui le combat en lui reprochant d'avoir déformé la pensée d'Aristote, puis par Thomas d'Aquin, qui suit Albert le Grand. Au xve siècle, Nicolas de Cues, dans l'Apologia doctae ignorantiae, témoigne d'une connaissance directe de l'œuvre de David. Récemment, certains fragments des Quaternuli, découverts par A. Birkenmajer, ont été édités par M. Kurdzialek (Davidis de Dinanto quaternulorum fragmenta, Studia Mediewisticzne, 3, Varsovie, 1963). Il faut vraisemblablement distinguer les Quaternuli édités d'après quatre manuscrits (Gand, Paris, Vienne, Oxford) de l'ouvrage dont parle Albert le Grand, intitulé De tomis sive de divisionibus ou encore De atomis, bien que l'un de ces ouvrages puisse n'être que l'ébauche de l'autre. David n'était pas prêtre, mais maître ès arts ; il traite de problèmes relatifs à la météorologie, à la physique, aux sciences naturelles, à la génération, etc., témoignant d'une connaissance personnelle des livres d'Aristote (ou du pseudo-Aristote) : Problemata, De somno et vigilia, De sensu et sensato, De generatione animalium, De anima, etc. Il est le premier en Occident à lire les œuvres de philosophie naturelle du Stagirite, alors inconnues, dans le texte grec. David est aussi un philosophe qui propose une conception générale de l'univers : c'est elle qui a été condamnée au synode de Paris sous le reproche de panthéisme et que combattit Albert le Grand.
Sa doctrine se résume en cette conclusion qu'il donne lui-même : « Il est manifeste qu'il n'y a qu'une seule substance non seulement de tous les corps mais même de toutes les âmes, et elle n'est rien autre que Dieu lui-même. La substance de laquelle sont tous les corps est appelée hylè, la substance de laquelle sont toutes les âmes est appelée ratio sive mens [...] Si donc le monde est Dieu lui-même, en dehors de lui-même (praeter se ipsum), perceptible au sens, ainsi que Platon, Zénon, Socrate et beaucoup d'autres l'ont dit, la hylè du monde est donc Dieu lui-même ; la forme adventice n'est rien autre que ce que Dieu rend sensible, lui-même. »
La conception selon laquelle la matière est non seulement l'unique principe de toutes les réalités corporelles, mais la substance commune de tous les êtres, s'appuie sur une distinction de l'être et du[...]
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Écrit par
- Jean RIBAILLIER : maître de recherche au C.N.R.S.
Classification
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Disciples supposés d'un clerc qui enseignait la philosophie et la théologie à Paris, Amaury de Bène, les amauriciens, condamnés en 1209 et 1211, s'inscrivent plus exactement parmi les premiers adeptes d'un courant que l'Église condamnera plus tard sous le nom de Libre-Esprit....
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