STRAUSS DAVID FRIEDRICH (1808-1874)
La théologie de Strauss
La Vie de Jésus fit scandale parce que ni les théologiens déistes, qui soulignaient le côté surnaturel des miracles évangéliques, ni les rationalistes, qui essayaient d'expliquer ceux-ci d'une manière rationnelle, ne mettaient en doute l'historicité des récits bibliques. Strauss les choqua les uns et les autres en soutenant que les évangiles ne relataient nullement des faits historiques, ni même des faits que les évangélistes auraient mal compris ou rendus, mais que ces récits étaient le produit de l'activité fabulatrice des évangélistes. Ceux-ci avaient projeté sur la personne de Jésus des conceptions messianiques du bas-judaïsme ainsi que les soucis polémiques de l'Église primitive. Ils avaient ainsi transformé en mythe un personnage historique.
Strauss n'entendait nullement éliminer le christianisme ; en disciple de Hegel, il invitait simplement ses contemporains à passer du mythe à l'Idée. Le Jésus de l'histoire avait été un homme ayant un destin tout humain ; mais en lui s'était manifestée l'idée de l'union nécessaire de l'esprit divin et de l'esprit humain. La science, c'est-à-dire la philosophie spéculative, doit aider à dépasser le mythe pour en atteindre la vérité éternelle, celle-ci constituant le noyau autour duquel l'imagination a échafaudé ses surcharges.
La Dogmatique chrétienne maintient, à titre de projet, une théologie de type hégélien, mais se limite en fin de compte à une destruction de la théologie. En appliquant le principe selon lequel l'authentique critique du dogme se ramène simplement à son histoire, l'analyse fait apparaître l'impossibilité de transcrire les vérités de la foi. On ne peut, sans dommage pour leur contenu, traduire en concepts rationnels les intuitions des dogmes chrétiens. Optant pour la philosophie et contre la foi, Strauss explique que ce que les évangiles attribuent à Jésus s'applique en fait à l'humanité dans son ensemble. C'est elle qui est le Fils unique et sans péché en qui Dieu se manifeste.
L'Ancienne et la Nouvelle Foi est un catéchisme athée. Le livre pose quatre questions : Sommes-nous encore chrétiens ? Avons-nous encore une religion ? Comment concevons-nous le monde ? Comment ordonnons-nous notre vie ? La réponse de Strauss aux deux premières questions est négative. À propos de la troisième, il professe un matérialisme moniste emboîtant le pas à Haeckel et à Darwin. La réponse à la quatrième question appelle les hommes à se dépasser par la science, la poésie et la musique. Cet « évangile » bourgeois devait valoir à Strauss les sarcasmes de Nietzsche qui le traita de « philistin culturel » (Bildungsphilister).
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Écrit par
- Jean-Louis KLEIN : professeur à la faculté de théologie de Strasbourg
Classification
Autres références
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PROTESTANTISME LIBÉRAL
- Écrit par Jean-Louis KLEIN
- 633 mots
Tendance de la théologie protestante qui, née de l'Aufklärung, en poursuit l'œuvre, en Allemagne surtout, dans le domaine de la critique des dogmes et de l'Écriture.
Le protestantisme libéral, qui a bien des points en commun avec le libéralisme culturel, politique et économique,...