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GASCOYNE DAVID (1916-2001)

Plongé dès l'adolescence dans un monde de tensions politiques, sociales et intellectuelles, David Gascoyne a toujours refusé de conformer sa vie et son écriture à une seule formule, échappant ainsi à toute classification. Délaissant l'école, il publie à seize ans Roman Balcony (1932), recueil de facture imagiste, puis un roman autobiographique, Opening Day (1933), dont les droits lui permettent de partir pour Paris où, après avoir rencontré Ernst et Eluard, il devient le « passeur » du surréalisme de France en Angleterre. Il publie dans New Verse les premiers poèmes surréalistes écrits en anglais, et dans Cahiers d'art le « Premier Manifeste anglais du surréalisme » (1935). Puis il écrit A Short Survey of Surrealism (1935), compte rendu des principales étapes du mouvement, traduit Qu'est-ce que le surréalisme ? d'André Breton et rassemble ses propres poèmes dans Man's Life Is this Meat (1936). Il traduit de nombreux surréalistes français, collabore à Contemporary Poetry and Prose, siège au comité d'organisation de l'Exposition surréaliste internationale de Londres (1936), où il expose plusieurs objets et collages. La même année, il part travailler à la radio de Barcelone et, de retour à Londres, participe au lancement du mouvement Mass Observation. En 1937, il apparaît pour la dernière fois aux côtés des surréalistes lors de l'exposition d'objets à la London Gallery.

Peut-être en raison du peu de cohésion du groupe surréaliste anglais à ses débuts et du flou de ses positions politiques, ou sous la pression d'événements personnels, Gascoyne se lance alors dans le mouvement perpétuel d'une recherche poétique et philosophique, qui se voudra à la fois traversée transparente de toutes les expériences spirituelles de l'homme et quête d'un moi qui s'avère toujours déjà fragmenté. De 1937 à 1939, à travers ses lectures de Rimbaud et de Hölderlin, Gascoyne rencontre Benjamin Fondane et Pierre Jean Jouve. Par le premier, il accède à la philosophie de Léon Chestov, pour qui le péché originel s'actualise dans la toute-puissance de la raison. L'homme ne peut sortir de lui-même et retrouver sa liberté profonde qu'en vivant la tragédie de sa condition, telle est la croyance de Gascoyne, sur laquelle influe la lecture de Kierkegaard, Berdiaev et Buber. La guerre apparaît ainsi comme l'expérience paradoxale suprême ; c'est elle qui suscite Poems 1937-1942 (qu'illustre Graham Sutherland), où la faute originelle sous-tend le conflit entre le désir de transcendance et la consumation qu'il entraîne. C'est précisément l'expérience de la trahison, de la souffrance et de l'aveuglement (telle qu'elle se lit chez Jouve) que l'on doit vivre afin de pouvoir se dépasser et atteindre un centre futur. Aussi notre vie se déroule-t-elle en des espaces provisoires qui sont autant de marches de l'Être. Dans les années de guerre, la lecture de Maître Eckhart et de Jakob Boehme amène Gascoyne à rechercher sa vérité intérieure dans l'autre dont la présence reste inaccessible. Après la guerre, évitant les excès du rationalisme et de l'idéalisme, il revient à l'existentialisme de Chestov, interroge le christianisme dont il remplace la notion de « communion » par celle de « communauté », puis se passionne pour Heidegger et son questionnement de la métaphysique et de la présence. En 1956, il compose pour la radio un long texte vocal, Night Thoughts. En 1965, ses Collected Poems sont publiés. Surmontant d'énormes difficultés psychologiques, Gascoyne publie en 1970 une collection d'aphorismes, The Sun at Midnight, où il touche à la synthèse ultime en faisant de l'alchimie la clé de l'histoire, en voyant l'homme comme le miroir du macrocosme et le lieu du travail mercurial de l'esprit et de la[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres, maître de conférences à l'université de Nancy-II

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