GOLDBLATT DAVID (1930-2018)
Dominants et dominés
À la mort de son père, David Goldblatt a trente-deux ans ; il décide alors de vendre le magasin et de se consacrer à son travail de photographe, avec l'ambition de documenter le paysage social en Afrique du Sud. Son premier sujet concerne les petits propriétaires terriens afrikaners des environs de Randfontein et lui vaut une parution dans le magazine anglais Photography, la commande par la revue Townd'un reportage sur la société minière Anglo American Corporation of South Africa et une collaboration régulière avec l'édition sud-africaine du mensuel Tatler. L'acquisition d'un appareil moyen format Hasselblad et la rencontre, en 1964, du photographe Sam Haskins ont une influence notable sur la vision de Goldblatt, élevant la facture du reportage à la photographie d'auteur. Ses images des communautés afrikaners et des mines d’or du Witwatersrand, ses reportages sur Soweto et sur le quartier blanc de Hillbrow à Johannesburg sont publiés dans Tatler, Vogue, Optima, Leadership et commencent à paraître dans le New York Times Magazine et Paris Match. David Goldblatt renforce son témoignage militant contre les lois ségrégationnistes : il photographie en 1976 la démolition de Fietas, le quartier indien de Johannesburg, consécutive au Group Areas Act, et accompagne en 1983 les longs trajets en car imposés aux travailleurs de Johannesburg et de Pretoria, déplacés dans le bantoustan de KwaNdebele. La communauté blanche des Afrikaners riches, qu'il représente sans caricature, intéresse tout autant le photographe, qui se livre en 1975 à l'essai Particulars, gros plans de personnes photographiées dans les jardins publics.
La reconnaissance de David Goldblatt en Afrique du Sud comme à l'étranger lui vaut de surmonter la censure et de bénéficier en 1983 de deux rétrospectives, aux musées des Beaux-Arts du Cap et de Johannesburg. À la suite d'une résidence en Australie en 1999, il commence à photographier en couleurs et à exposer en grand format, comme le marché de l'art contemporain en répand l'usage. En 2001, la galerie AXA de New York présente l’exposition David GoldblattFifty-One Years, qui circulera jusqu'en 2003 à travers l'Europe. Récompensé par le prix Camera Austria en 1995, le prix Hasselblad en 2006, le prix Henri Cartier-Bresson en 2009, régulièrement invité par les festivals internationaux, David Goldblatt signe plusieurs livres dont il conçoit la maquette, notamment On the Mines (1973) Lifetimes Under Apartheid (1986), South Africa:the Structure of ThingsThen (1998). Représentée successivement par les galeries Goodman à Johannesburg et Marian Goodman à Paris, sa production est gérée par la galerie Pace-MacGill de New York depuis 2015.
Organisée sous le commissariat de Karolina Ziebinska-Lewandowska, une relecture de l’œuvre a été proposée au Centre Georges-Pompidou au printemps de 2018, dans le contexte sociétal de l'Afrique du Sud tel que David Goldblatt le décrit avec son acuité de photojournaliste et sa sensibilité de descendant d'immigrés.
L'exposition s'achève avec le reportage réalisé en 2015 et 2016 sur le Rhodes Must Fall, le mouvement étudiant dirigé contre la statue du colonialiste britannique Cecil Rhodes érigée sur le campus de l'université du Cap. À la suite des troubles qui avaient ravagé en février 2016 les locaux et censuré des œuvres d'art, David Goldblatt annulait le legs de ses archives à l’université, en signe de protestation contre la mise en cause de la liberté d’expression.
David Goldblatt est mort le 25 juin 2018 à Johannesbourg.
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Écrit par
- Hervé LE GOFF : professeur d'histoire de la photographie, critique
Classification
Média
Autres références
-
PHOTOGRAPHIE AFRICAINE
- Écrit par Vincent GODEAU et André MAGNIN
- 4 849 mots
- 2 médias
...de la photographie une arme culturelle. Et les noms de Jürgen Schadeberg, d'Ernest Cole, de Peter Magubane, le Market Photo Workshop créé en 1989 par David Goldblatt sont passés à la postérité, sans parler de ces quelques images mythiques, comme la photo-monument de Sam Nzima où un jeune sud-africain...