HILBERT DAVID (1862-1943)
Les problèmes de Hilbert
« Qui ne se réjouirait de pouvoir soulever le voile qui cache le futur, de jeter un regard sur le développement des mathématiques, ses progrès ultérieurs, les secrets des découvertes des siècles à venir ?... »
Prévoir le futur des mathématiques : qui oserait aujourd'hui, parmi les plus grands mathématiciens, l'essayer ? Pourtant, en 1900, c'est à cette question que tente de répondre David Hilbert, dont les idées, avec celles d'Henri Poincaré, ont sans nul doute marqué le plus profondément les mathématiques du xxe siècle.
À l'époque du second congrès de mathématiques, tenu à Paris en 1900, Hilbert, professeur à l'université de Göttingen, avait songé à présenter une réponse à la conférence faite quatre ans auparavant par son grand rival, Poincaré, dans laquelle il plaidait pour des relations étroites entre les mathématiques et la physique. Mais Hilbert, sur une suggestion de son collègue Hermann Minkowski, choisit de tenter de « deviner le futur » des mathématiques, à travers un choix de problèmes. Felix Klein n'avait-il pas coutume de dire à ses étudiants que les mathématiques se développent « quand de vieux problèmes sont résolus par des méthodes nouvelles, et que l'approfondissement de ces questions anciennes fait naître en retour de nouveaux problèmes ». Aussi Hilbert, convaincu du rôle des grandes questions et de l'existence dans tous les cas d'une réponse, fit la liste des vingt-trois « problèmes » qui allaient, selon lui, marquer le cours des mathématiques du xxe siècle.
Le lecteur qui connaît la diversité des domaines des mathématiques où Hilbert a laissé de profondes marques (algèbre, théorie des nombres, analyse, problèmes d'axiomatique et de fondements...) ne sera pas étonné d'apprendre que l'histoire de ces problèmes, des travaux qu'ils ont suscités ressemble beaucoup à l'histoire des mathématiques au xxe siècle ! Il est cependant étrange que les spécialités qui paraissent a posteriori insuffisamment représentées (topologie, analyse) sont celles où Hilbert devait faire, après 1900, ses travaux les plus importants ou celles où l'influence de Poincaré est restée dominante. Devant l'ampleur des travaux qu'on peut relier aux problèmes de 1900 posés par Hilbert, notre choix a été d'insister sur les questions dont l'importance montre le mieux l'extraordinaire intuition prospective du célèbre mathématicien, en évoquant seulement celles qui font l'objet d'autres développements dans l'Encyclopædia Universalis.
Problème 1 : hypothèse du continu
Cantor ayant démontré que le cardinal de l'ensemble des réels R excède celui de l'ensemble des entiers N, la question se pose de savoir si entre ℵ0 (cardinal de N) et 2ℵ0 (cardinal de R, dont on voit facilement qu'il égale celui de l'ensemble des parties de N) il existe un cardinal intermédiaire. Autrement dit, est-il possible qu'un sous-ensemble infini de R ne soit équipotent ni à N ni à R ? Cantor pensait que non et Hilbert, partageant cette intuition, propose comme premier problème la démonstration de cette conjecture, dite hypothèse du continu (HC), qui s'exprime donc par l'égalité 2ℵ0 = ℵ1 (cf. théorie des ensembles - Théorie axiomatique des ensembles). Hilbert rattache aussitôt ce problème à une autre conjecture de Cantor, qu'il reprend à son compte, selon laquelle R peut être muni d'un bon ordre, ce qui, selon lui, devrait entraîner l'hypothèse du continu.
Il a fallu plus de trente ans pour commencer à élucider ces questions et plus de soixante pour leur apporter une solution qui, bien que complète, n'est peut-être que provisoire.
La première tâche a consisté à préciser une axiomatique pour la théorie des ensembles : ce sera l'œuvre[...]
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Écrit par
- Rüdiger INHETVEEN
:
Diplom-mathematiker Wissenschaftlicher Assistant , Erlangen, Allemagne - Jean-Michel KANTOR : docteur d'État en mathématiques, enseignant-chercheur à l'Institut mathématique de Jussieu (équipe de théorie des nombres)
- Christian THIEL
: Dr. Ph.,
wissenschaftlicher Assistent an der Universitat Erlangen-Nurnberg , Allemagne
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