ROUSSET DAVID (1912-1997)
En 1946 paraît aux Éditions du Pavois dans la collection Le Chemin de la vie dirigée par Maurice Nadeau, L'Univers concentrationnaire. Le long article, paru dans trois livraisons successives de La Revue internationale, écrit en trois semaines par David Rousset lors de sa convalescence à son retour de déportation, est devenu un livre, qui obtient le prix Renaudot. Rousset a forgé un adjectif, « concentrationnaire », et un concept, celui d'« univers concentrationnaire ».
Né en 1912, à Roanne, dans une famille protestante darbyste, nourri par la Bible, il suit des études de philosophie et de littérature à la Sorbonne et devient alors socialiste. Dans les années 1930, il se découvre des sympathies pour le trotskisme, entre en contact avec le petit groupe de l'Opposition bolchévique-léniniste ; il y rencontre ses futurs amis, Pierre Naville et Gérard Rosenthal notamment, qui l'envoient faire de l'« entrisme » aux Jeunesses socialistes, où ils le rejoignent bientôt. En 1936, il participe en janvier à la création des Jeunesses socialistes révolutionnaires et, en juin, à celle du Parti ouvrier internationaliste (P.O.I.), dont il est responsable des questions coloniales, voyageant notamment au Maroc et en Algérie.
Durant l'Occupation, Rousset continue à militer avec ses camarades du P.O.I. ; il s'occupe plus particulièrement d'information, publiant dès 1942 le Bulletin d'information syndicale et ouvrière. Le 12 octobre 1943, David Rousset est arrêté, incarcéré à Fresnes dans le quartier des résistants, d'où il est extrait à la fin du mois de janvier 1944 pour être déporté à Buchenwald, puis à Porta Westphalica, à Neuengamme et dans les mines de sel de Helmstedt, d'où il est libéré en 1945 par les troupes américaines.
L'Univers concentrationnaire, comme le gros roman qu'il publie l'année suivante, Les Jours de notre mort, tranche sur les abondants récits publiés alors par les rescapés et devient très vite un classique. Plus qu'un témoignage sur les camps, il se veut une réflexion sur un univers, une société à part, dont l'étude peut contribuer à celle de l'homme et des sociétés en général. Il en décrit, dans un style concis et efficace, le fonctionnement, en particulier celui de la double hiérarchie des détenus et des SS.
Rousset s'éloigne du trotskisme, crée avec Jean-Paul Sartre et Georges Altmann un éphémère Rassemblement démocratique révolutionnaire, tout à la fois internationaliste, européen, neutraliste et anticolonialiste. Mais c'est surtout à la dénonciation – la première qui rencontre un écho – des « camps concentrationnaires » soviétiques que son nom reste attaché. Le 12 novembre 1949, dans Le Figaro littéraire, David Rousset lance un appel à ses camarades anciens déportés et à leurs organisations, dénonçant le système concentrationnaire soviétique et proposant de constituer une commission d'enquête sur place pour vérifier ses affirmations. Cette commission serait composée d'anciens déportés, de toutes tendances politiques, « des professionnels, des spécialistes », seuls à même d'apprécier ce qu'est un camp de concentration. Rémy Roure, Jean Cayrol, Louis-Martin Chauffier, Germaine Tillion... approuvent son initiative, tandis que, dans cette période où la guerre froide atteint son acmé, le P.C.F. et les organisations qui lui sont liées se déchaînent contre lui. Le 24 janvier 1950, les délégués des organisations françaises d'anciens déportés créent la Commission d'enquête française contre le régime concentrationnaire. En décembre 1954, la commission fait paraître un bulletin d'information, Commission internationale contre le régime concentrationnaire, transformé en janvier 1956 en revue, Saturne, qui paraît jusqu'en 1959.
Parallèlement, Rousset maintient[...]
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Écrit par
- Annette WIEVIORKA : directrice de recherche émérite au C.N.R.S., U.M.R. identités, relations internationales et civilisations de l'Europe, université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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