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DE L'ALLEMAGNE (exposition)

Quoi de mieux qu’une exposition pour célébrer le cinquantenaire du traité de l’Élysée, signé par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer le 22 janvier 1963 ? Andreas Beyer, directeur du Centre allemand d’histoire de l’art à Paris, avait proposé initialement de montrer aux Français comment rayonnait la culture allemande à Weimar à l’époque de Goethe. Le comité d’organisation se décida finalement pour un projet plus ample : De l’Allemagne 1800-1939. De Friedrich à Beckmann (musée du Louvre, Paris, 28 mars-24 juin 2013), présenté par les commissaires Sébastien Allard, Danièle Cohn et Johannes Grave.

Le libellé renvoie à l’ouvrage de Madame de Staël que la police de Napoléon mit au pilon en 1810, et qui reparut à Londres en 1813. Sous le même intitulé existe aussi un essai en français du poète allemand Henri Heine, exilé à Paris à partir de 1831. Comme celui-ci l’indique en 1835 dans sa Préface, il a emprunté son titre à Madame de Staël par provocation, pour « redresser » les « erreurs » sur l’Allemagne qu’elle a répandues en France.

Une identité problématique

Le directeur du Louvre, Henri Loyrette, a demandé à l’artiste allemand Anselm Kiefer une œuvre appelée à figurer au seuil de cette exposition. Pourquoi Kiefer ? En 2008, il a reçu, avec Christian Boltanski, le prix Charles de Gaulle-Konrad Adenauer, destiné à récompenser des personnalités ayant contribué à une meilleure compréhension réciproque entre la France et l’Allemagne. Voici donc De l’Allemagne (1982-2013) : dix panneaux monumentaux, en noir sur fond blanc, portant çà et là des phrases en allemand d’une écriture enfantine, ou des noms d’écrivains, de philosophes, et schématisant les drames de la « nation » allemande. Une grille de hauts arbres. Derrière, un fleuve. Non pas le Rhein, le Rhin, mais le Rein, le « pur », jeu de mots sous une faute d’orthographe.

Un des pères du nationalisme allemand, le philosophe de Greifswald Ernst Moritz Arndt, auteur de La Germanie et l’Europe (1802), a décrété qu’au-delà du Rhin il fallait éliminer « tous les mélanges impurs, vains et mensongers ». L’idée court ensuite, patente ou latente, selon les forces politiques déterminantes, sur près d’un siècle et demi. Dans une Allemagne éclatée, où l’unité ne se fit qu’en 1871, la formation d’un sentiment national eut pour cause essentielle l’hostilité à Napoléon et à ses armées, avec pour épisode culminant les guerres de libération en 1813. De leur côté, les artistes ont-ils contribué à construire la représentation d’une « identité allemande » ? Après les symboles de Kiefer annonciateurs de catastrophes, l’exposition elle-même répond par l’affirmative. Selon ses commissaires français, Danièle Cohn et Sébastien Allard, « Qu’est-ce qu’être allemand ? » serait la question à laquelle « les penseurs et les artistes de 1800 jusqu’à 1914 » auraient décidé de se confronter.

Cette exposition est donc fondée sur un présupposé, et la période choisie, 1800-1939, est tout aussi artificielle. Historiquement, 1800 ne signifie rien. Pour ce qui est de 1939, la date est marquante pour les peuples européens, puisque débute la Seconde Guerre mondiale. Mais, pour l’Allemagne, la césure s’est produite avant, lors de la nomination d’Hitler comme chancelier, le 30 janvier 1933.

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Le Watzmann, C.D. Friedrich - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Le Watzmann, C.D. Friedrich