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DE L'ESPRIT DES LOIS, Montesquieu Fiche de lecture

Montesquieu - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Montesquieu

Le traité de Montesquieu (1689-1755), De l'esprit des lois, fut publié anonymement à Genève en 1748, puis corrigé dans l'édition posthume de Londres (en fait Paris) en 1757. Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu a étudié le droit à Bordeaux, avant de devenir avocat, conseiller et président à mortier au parlement de Bordeaux. Multipliant les recherches érudites et scientifiques, il met en chantier une vaste enquête sur les régimes juridiques et le fonctionnement social des groupes humains à travers le monde. Cette large investigation débouche sur une somme sans précédent, qui s'inscrit sous l'épigraphe tirée d'Ovide : Prolem sine matre creatam (« enfant né sans mère »).

Une nouvelle rationalité

La Préface sollicite l'attention et l'objectivité du lecteur auquel l'auteur demande une grâce : « C'est de ne pas juger, par la lecture d'un moment, d'un travail de vingt années ; d'approuver ou de condamner le livre entier, et non pas quelques phrases ». Alors que la philosophie politique défendait traditionnellement un modèle juridique idéal à l'aune duquel étaient jugés les systèmes existants, Montesquieu prétend observer sans a priori la diversité des législations et mettre celles-ci en relation avec les conditions géographiques et historiques qui en expliquent l'origine. Il dégage ainsi la logique interne des législations. Le sous-titre du traité est Du rapport que les lois doivent avoir avec la constitution de chaque gouvernement, les mœurs, le climat, la religion, le commerce, etc. Là où les théoriciens et les observateurs constataient l'absurde bariolage des différences, Montesquieu entrevoit une logique. Il postule une rationalité sociale d'un type nouveau.

La nouveauté et l'ambition du propos justifient un plan complexe en six parties et trente et un livres, eux-mêmes subdivisés en chapitres d'inégale longueur. Le premier livre propose une définition des lois comme étant « les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ». Cette définition englobe les lois positives énoncées par un groupe social et les lois implicites qui assurent son fonctionnement. La première partie s'occupe alors des lois politiques et des systèmes de gouvernement. Les gouvernements républicain (démocratique ou aristocratique), monarchique et despotique reposent sur des principes qui sont respectivement la vertu ou la modération, l'honneur et la crainte. La deuxième partie est consacrée à la force de l'État et à la liberté qui est accordée à chacun. Elle passe en revue les crimes punis par chaque État. La troisième partie s'attache à la relation qui s'établit entre les lois et les conditions naturelles, que ce soit le climat ou la nature du sol. Les peuples des pays froids ont tendance à être plus actifs et à réclamer plus de liberté que ceux des pays chauds, enclins au despotisme et à l'esclavage. La question des eunuques, dont on sait l'importance qu'ils ont dans le roman des Lettres persanes, y fait l'objet d'un chapitre. Les peuples qui travaillent une terre difficile sont plus jaloux de leur liberté que ceux qui bénéficient d'un contexte favorable et qui sont enclins à en jouir égoïstement.

La quatrième et la cinquième partie traitent respectivement de l'économie et de la religion. L'économie est examinée du point de vue du commerce, de la monnaie et de la démographie, et la religion du point de vue des dogmes et des rites. La religion catholique convient plutôt aux monarchies et la protestante aux républiques. Après avoir dressé ce tableau des rapports entre les lois et leurs déterminations, Montesquieu propose une perspective sur l'évolution des systèmes juridiques. Il prend dans la sixième partie les deux exemples de « l'origine et les révolutions » du[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Média

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