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DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE, Jean-Antoine Chaptal Fiche de lecture

Un libéralisme dissocié au service de l'industrialisme français

Le livre de Chaptal, qui appartient à toute une littérature productiviste dont Jean-Baptiste Say est une autre figure, est d'abord l'expression d'une foi sans faille dans le progrès des techniques, de la production et des échanges, mais d'une façon plus générale dans « les progrès de l'esprit humain », dans le goût que possède l'homme de produire et de consommer. L'explication économique est précédée d'une grande fresque historique dans laquelle Chaptal distingue la Hollande « qui a devancé le reste de l'Europe dans les entreprises manufacturières » et le rôle majeur de Colbert « ... cet habile ministre ». La Révolution française, ignorée dans sa dimension politique, est néanmoins « le moment où l'industrie française a été débarrassée de ses entraves réglementaires, elle est parvenue à rivaliser avec les nations les plus florissantes... ». Dès lors, s'est mise en place la trilogie qui explique la réussite économique de la France : chimie, mécanique, industrie textile ; même si, avec des accents encore très physiocratiques, Chaptal réaffirme le primat de « l'industrie agricole ».

Son livre a l'ambition d'apporter à la France un programme de développement qui nécessite finesse et pragmatisme, pour renforcer la base économique nationale acquise depuis la fin du xviiie siècle et inventer le « moyen de se rouvrir de nouvelles sources de prospérité ». Cela nécessite à la fois de rompre avec le mercantilisme agressif de l'ère napoléonienne qui a ruiné l'économie par la guerre et les taxes, tout en se gardant bien de suivre la voie du libre-échange imprudemment tentée en 1786. La solution est d'inscrire dans la durée la construction du libéralisme économique français. La France doit adopter un système protectionniste plus souple que celui de Napoléon : protection sans faille contre des produits qui contiennent du travail étranger, entrée plus facile des matières premières, les « aliments de l'industrie ». Chaptal reste un libéral qui a lu Adam Smith. Mais c'est à petits pas, avec prudence, que la France rejoindra le marché international, par un abaissement progressif des barrières douanières, et sans porter atteinte à un équilibre national qui ne peut s'accommoder d'une division internationale du travail, et qui est fondé sur une complémentarité entre l'industrie, l'agriculture, le commerce qui se servent mutuellement de débouché. Défense sans faille de l'économie-nation mais libéralisme intransigeant dans un marché de 30 millions de consommateurs propre à attirer les investissements, c'est la formule d'un libéralisme dissocié, qui sera imité, entre autres, par Frederic List.

— Francis DEMIER

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