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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE, Alexis de Tocqueville Fiche de lecture

Alexis de Tocqueville (1805-1859) - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Alexis de Tocqueville (1805-1859)

De la démocratie en Amérique est le fruit d'un voyage que le tout jeune magistrat à Versailles, mis en position délicate par la révolution de 1830, en vertu de son appartenance à une famille légitimiste, entreprit, accompagné de son ami Gustave de Beaumont, en Amérique entre avril 1831 et mars 1832, avec pour projet initial d'enquêter sur l'administration des prisons. Mais, bien plus que le rapport intitulé Du système pénitentiaire aux États-Unis et son application en France (1833), c'est, une fois revenu d'Angleterre dont les institutions lui semblaient, pour comprendre la genèse du système américain, indispensable à connaître, une véritable monographie du pays qu'il dresse entre avril 1833 et août 1834. À l'aide d'un recueil systématique des informations dans des carnets et d'une méthode d'observation éclectique qui le conduira à s'entretenir avec les diverses autorités du pays (dont le président Jackson), Tocqueville, s'appuyant sur la consultation de documents officiels (le Federalist) et la lecture de collections anciennes (les Magnalia de Mather) et d'œuvres tant classiques (Jefferson) qu'historiques (Hutchinson, Belknap) et juridiques (Story, Kent), donne en 1835 le premier volume qui remporta un succès immédiat. Accueilli avec plus de réserve, le second, dont devait à l'origine se charger Beaumont qui préféra finalement la forme romanesque de Marie, ou De l'esclavage aux États-Unis, tableau des mœurs américaines, parut en 1840 alors que son auteur devenait député.

Splendeurs et misères de la démocratie

Les deux tomes de ce volumineux ouvrage répondent à l'intention de Tocqueville de saisir, à partir de l'exemple américain, l'ensemble des conditions et des conséquences de la marche, inéluctable selon lui, des sociétés vers un état et des mœurs démocratiques.

Dans le premier volume, l'auteur brosse le tableau de la société américaine et balaye, en les hiérarchisant, les traits qui font d'elle une démocratie libérale. Ainsi, dans les trois premiers chapitres, sont énumérées, pour mesurer l'écart avec la France, des causes géographiques, historico-morales et économiques. La souveraineté du peuple (chap. iv) s'appuie, à un niveau constitutionnel, sur une décentralisation administrative, une division des pouvoirs que l'on a pris soin d'équilibrer (v) et de séparer de la justice (vi), et un dispositif fédéraliste (vii) ; à un niveau social, sur divers porte-parole des opinions des citoyens tels les partis politiques (x), la presse (xi) et les associations (xii). De plus, le suffrage universel garantit la rencontre des intérêts des gouvernés et des gouvernants (xiii) dans un ensemble qui, se préservant de la « tyrannie de la majorité », développe autant le sens de l'esprit public, ordonné sur la réciprocité des droits et des devoirs (xiv), que celui de l'intérêt individuel (xvii).

Le second volume, de facture nettement plus conceptuelle, s'organise en quatre parties qui traitent de l'impact du régime démocratique sur les idées, les sentiments, les mœurs et les comportements politiques des Américains. Ainsi, le livre I montre le paradoxe de la croyance égalitariste qui, construite sur la valeur « individu », conduit pourtant au nivellement des jugements et au recul de l'esprit critique, tendances que Tocqueville décèle, entre autres, dans la passion des idées générales en philosophie, la pratique des sciences et la lecture des journaux. L'individualisme égalitaire teinte également les sentiments, marqués par le souci de soi et le désintérêt pour la chose publique que les différentes formes de liberté d'expression, la doctrine de l'intérêt bien entendu, l'amour du bien-être matériel et la religion peuvent efficacement freiner. En contrepartie du risque de dissolution[...]

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Écrit par

  • : docteur en sociologie, D.E.A. de philosophie, maître de conférences à l'université de Paris V-Sorbonne

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Alexis de Tocqueville (1805-1859) - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

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  • RELIGION - Sociologie religieuse

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