DE LA NATURE, Lucrèce Fiche de lecture
Le De rerum natura (De la nature) du Romain Lucrèce (98 env.-55 av. J.-C.), un des plus grands poèmes philosophiques de la tradition occidentale, fut écrit dans une période de grands troubles (guerre civile, révolte des esclaves emmenés par Spartacus, massacres, paupérisation...). La doctrine d'Épicure trouva chez Lucrèce de quoi satisfaire le besoin d'une sagesse (ou ataraxie) qui permettrait de se détacher du monde et de ses tumultes. Religion, morale, politique doivent être ordonnées en fonction de la recherche du plaisir qui, compris comme absence de troubles, est la vie heureuse elle-même. La connaissance de la nature et de ses mécanismes est essentielle à une telle quête du Bien.
Un matérialisme sans réserve
Poème didactique de plus de sept mille quatre cents vers organisés en six livres, le De rerum natura présente un exposé cohérent de la doctrine d'Épicure, le « découvreur de l'univers », dont le poète souhaite « imprimer [s]es pas dans les traces des [s]iens » (III, vers 3-4). Les deux premiers livres exposent, après un hymne à Vénus et un éloge d'Épicure, la doctrine de l'atomisme issue de Démocrite. La matière, formée d'atomes insécables en nombre infini, se meut sans cesse dans le vide infini. De forme différente, tombant à grande vitesse, ils se rencontrent parfois, déviant de leur chute par clinamen, et formant ainsi les corps qui composent l'univers. Aucun entendement transcendant ne préside à l'auto-organisation du monde. Les conséquences d'une telle physique seront importantes quant aux attitudes de l'homme désireux de parvenir au bonheur, puisque tel est le but recherché par le philosophe.
Les livres III et IV analysent l'âme et ses fonctions. L'esprit (animus) « est une partie de l'homme tout comme la main, le pied,/ les yeux sont des parties de l'ensemble du vivant » (III, vers 94-97). Matérielle, l'âme est donc mortelle. Par conséquent, il serait absurde de redouter la mort et les châtiments des Enfers. C'est bien corps et âme que l'homme disparaît, retournant, après sa mort, au monde immortel des atomes et du vide. Si enfer il y a, c'est ici-bas qu'on le trouvera, dans la vie des insensés ou dans celle, excessive, des passions. Et c'est de lui encore que parlent les mythes. Le livre IV, après un long passage sur la perception, en vient à une célèbre critique de la passion amoureuse. Le manque de vigilance est à la source de nos productions oniriques, tout comme des désirs insatiables de celui qu'obsède l'image fantasmatique du corps de celle qu'il croit désirer.
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Écrit par
- Francis WYBRANDS : professeur de philosophie
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