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DE LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ, Nicolas Malebranche Fiche de lecture

Nicolas Malebranche (1638-1715) occupe dans la lignée des philosophes post-cartésiens une place particulière. D'une part, il semble tout devoir à Descartes : la lecture, en 1664, du Traité de l'Homme fut en effet à l'origine de sa vocation philosophique. D'autre part, il s'en éloigne radicalement pour renouer avec une philosophie empreinte de théologie augustinienne, dont la Recherche de la vérité livre les fondements. Il n'est qu'un seul maître intérieur auquel nous devons nous fier : la raison. Pour retrouver ce contact avec elle que nous avons perdu depuis le péché originel, il nous faut apprendre à redevenir attentifs à notre véritable nature. Foi et philosophie, « autorité » et « examen » sont deux voies complémentaires lorsqu'elles sont éclairées par la source unique de la « souveraine Raison ».

Du cartésianisme à la « vision en Dieu »

Entre la première édition de la Recherche de la vérité, parue en 1674, et la quatrième (édition in-40 de 1678), Malebranche aura considérablement remanié et enrichi de nombreux « Éclaircissements » ce qui aura été son premier ouvrage. En 1700 et 1712 paraîtront encore deux éditions complétées, qui font ainsi de cette œuvre le travail d'une vie entière. Progressivement s'y élabore une pensée originale qui prend ses distances à l'égard du cartésianisme et se meut sur la voie d'une « vision en Dieu », formulant une véritable philosophie chrétienne. Fidèle à la méthode de Descartes, Malebranche rejette pour faux le probable, les autorités, et tout ce qui provient des sens, de la mémoire ou de l'imagination. « Il ne faut que se rendre attentif aux idées claires que chacun trouve en soi-même. » Seule l'attention, véritable « prière naturelle de l'âme », peut nous tourner, en nous déprenant du monde extérieur, vers Dieu, source de toute lumière. Le premier livre est consacré aux sens, en tant qu'ils sont la principale source de nos erreurs. Le second traitera de l'imagination, « la folle du logis », pareillement « source féconde d'égarements et d'illusions ». Sens et imagination proviennent « de la nature et de la constitution du corps ». Seul l'entendement – « lumière naturelle » ou raison – peut nous permettre un accès à la vérité. Rien d'original ici par rapport à la philosophie de Descartes, si ce n'est la prolixité et la finesse des analyses. Mais l'entendement lui-même peut être cause d'erreurs (objet du livre III), et c'est ici que l'oratorien se sépare le plus nettement de son prédécesseur. Contrairement à la sensation qui n'est en rien représentative, l'idée infinie n'est pas une modalité de l'âme finie : elle s'impose à lui, lui résiste. Véritables archétypes platoniciens, les idées ne sont pas contenues en l'esprit (comme les idées innées cartésiennes), mais se donnent à voir « en Dieu ». Par l'attention, nous pouvons avoir accès à ces idées qui nous débordent infiniment. « Vision en Dieu » ne signifie pas « vision de Dieu » : nous ne voyons pas Dieu qui, tel le Bien platonicien, éclaire toutes les idées et les rend intelligibles. Le cogito, où Descartes reconnaissait le modèle des « idées claires et distinctes », n'est pour Malebranche qu'un « sentiment confus ». L'âme est passive par essence, elle ne crée rien mais reçoit tout de Dieu. Les livres IV et V de la Recherche de la Vérité montrent combien « inclinations de la volonté » et « passions du cœur » sont trompeuses, et comment il est possible de les utiliser contre elles-mêmes. Le livre VI, véritable traité de la méthode, « fournit [à l'esprit] les secours nécessaires pour devenir plus attentif et plus étendu » afin d'accéder à la vérité. La [...]

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  • MALEBRANCHE NICOLAS (1638-1715)

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    • 8 466 mots
    Dès 1668, semble-t-il, Malebranche travaillait à son premier traité : Recherche de la vérité, qui marque son double attachement à la méthode et à la physique cartésiennes, d'une part, au platonisme augustinien, de l'autre. Les trois premiers livres, réunis en un volume, furent publiés en 1674,...