STIJL DE
Il y a trois manières de définir De Stijl, toutes trois adoptées simultanément par Theo van Doesburg dans l'article rétrospectif qu'il consacra au mouvement en 1927 (« Dates et faits », in De Stijl, numéro spécial du dixième anniversaire) : en tant que revue, en tant que groupe constitué autour de la revue, en tant qu'idée partagée par les membres de ce groupe.
La première définition est la plus commode, car elle part d'un corpus très défini : le premier numéro de la revue paraît à Leyde en octobre 1917, le dernier à Paris peu de temps après la mort de Theo van Doesburg, son fondateur et rédacteur, survenue en mars 1931. Néanmoins, l'éclectisme même de la revue, son ouverture à toute l'avant-garde européenne pourraient faire douter de l'identité du mouvement : à ranger (comme le fit Van Doesburg dans l'article cité) les dadaïstes Hugo Ball, Hans Arp et Hans Richter, le futuriste italien Gino Severini, le constructiviste russe El Lissitzki et le sculpteur Constantin Brancusi parmi les « principaux collaborateurs » du Stijl (sans compter Aldo Camini et I. K. Bonset, qui ne sont autres que Van Doesburg lui-même en habit futuriste ou dadaïste), on s'interdit l'appréhension de ce qui fit la force et l'unité du groupe hollandais.
C'est d'ailleurs la deuxième définition, celle du Stijl en tant que groupe restreint, qui est la plus communément admise : elle établit une hiérarchie simple, fondée sur la seule antériorité historique, entre une poignée de pères fondateurs hollandais et de nouvelles recrues cosmopolites venues combler les vides laissés par certaines défections. Les pères fondateurs sont grosso modo les signataires du Premier Manifeste du Stijl (paru en novembre 1918), à savoir les peintres Piet Mondrian et Vilmos Huszár, les architectes Jan Wils et Robert van't Hoff, le sculpteur belge Georges Vantongerloo, le poète Antony Kok (dont l'œuvre est minime) et, bien entendu, le véritable homme-orchestre que fut van Doesburg, trait d'union du groupe et cheville ouvrière du mouvement. À ces noms il faut ajouter ceux du peintre Bart van der Leck (qui avait quitté le Stijl avant la publication du manifeste) et des architectes Gerrit Rietveld et J. J. P. Oud (le premier ne s'était pas encore joint au mouvement, alors qu'il avait déjà réalisé sa célèbre Chaise bleue et rouge, le second ne signa jamais aucun texte collectif). Les nouvelles recrues, mis à part l'architecte Cornelis van Eesteren, menèrent une carrière très indépendante du Stijl et ne s'y associèrent que brièvement, lorsque la vie du mouvement touchait à sa fin : il s'agit du musicien George Antheil (connu par sa partition pour le film de Fernand Léger, Le Ballet mécanique), des peintres et auteurs de reliefs Cesar Domela et Friedrich Vordemberge-Gildewart, de l'architecte et sculpteur Frederick Kiesler et du dessinateur industriel Werner Gräff.
Malgré son utilité, cette deuxième définition est à peine plus précise que la première, car elle se fonde sur un critère d'appartenance qui semble absolument contingent (et ne peut expliquer, par exemple, le départ de Van der Leck dès la première année, de Wils et de Van't Hoff dès la deuxième, de Oud la quatrième, puis de Huszár et de Vantongerloo la cinquième, et pour finir celui de Mondrian en 1925).
Reste la définition du Stijl en tant qu'idée : « C'est à partir de l'idée De Stijl, écrit Van Doesburg (toujours dans le même article rétrospectif), que le mouvement De Stijl s'est peu à peu développé. » Bien qu'elle semble la plus vague du fait de sa nature conceptuelle (par opposition aux deux premières, de nature empirique), cette définition est la plus restrictive. C'est la seule à pouvoir rendre compte du fait que De Stijl signifie non seulement[...]
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Écrit par
- Yve-Alain BOIS : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard
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