- 1. Reprendre pied en France : un défi
- 2. Tiraillements stratégiques
- 3. Le choix de la Normandie
- 4. Une planification minutieuse
- 5. La stratégie allemande
- 6. Trois années de guerre des nerfs
- 7. Le 6 juin
- 8. Course de vitesse et bombardements massifs
- 9. La bataille de Normandie
- 10. Mémoire, tourisme et commémorations
- 11. Bibliographie
DÉBARQUEMENT ET BATAILLE DE NORMANDIE
Mémoire, tourisme et commémorations
La mémoire et la commémoration du jour J ont considérablement évolué au fil des décennies, au point de transformer l’événement en épopée. Dès 1945, un comité du Débarquement fut fondé pour commémorer l’opération et développer le tourisme de mémoire dans une région dévastée. Cette offre ne cessa de croître, surtout à partir de la fin du xxe siècle, jusqu’à faire de la Normandie la première région de destination du tourisme mémoriel (c’est-à-dire lié au souvenir des conflits), loin devant les champs de bataille de la Première Guerre mondiale.
C’est toutefois le cinéma hollywoodien qui a forgé et popularisé la mémoire de l’événement, porté en cela par le film Le Jour le plus long (1962). Adaptant à l’écran le best-seller de Cornelius Ryan publié en 1959, Darryl F. Zanuck transforma le Débarquement en une fresque épique, mobilisant d’énormes moyens (y compris militaires) et les grandes vedettes internationales de l’époque. Plus tard, le film de Steven Spielberg Il faut sauver le soldat Ryan (1998), puis la série Band of Brothers (2001) actualisèrent cette vision du Débarquement tout en l’américanisant. Ces œuvres valorisèrent en effet le thème de la « génération grandiose » (GreatestGeneration) – une classe d’âge d’Américains qui, après avoir grandi dans un pays en crise au cours des années 1930, avaient combattu les dictatures durant la Seconde Guerre mondiale avant de contribuer à la prospérité des États-Unis. Ce faisant, c’est oublier que les forces du Commonwealth étaient les plus nombreuses le 6 juin, avec 83 000 soldats britanniques et canadiens pour 75 000 GI. Surtout, les deux tiers des personnels de la flotte alliée naviguaient le jour J sous le pavillon de la Royal Navy.
La mémoire du Débarquement fut, enfin, longtemps liée aux évolutions de la guerre froide, dans le cadre d’un conditionnement politique et culturel. Alors que le mur de Berlin avait remplacé le « mur de l’Atlantique », le producteur du Jour le plus long voulait montrer que, pour peu qu’elles soient unies, les démocraties étaient plus fortes que les dictatures – une idée que le président Ronald Reagan reprit à son compte le 6 juin 1984 en glorifiant l’action des soldats alliés dans son discours à la pointe du Hoc. Après l’effondrement du bloc communiste en 1989-1991, la mémoire du Débarquement évolua pour y associer les valeurs de paix et de liberté, faisant de cette opération militaire l’une des étapes fondatrices de la construction européenne.
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Écrit par
- Jean-Luc LELEU : historien au CNRS, Maison de la recherche en sciences humaines, université de Caen-Normandie
Classification
Médias