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KERR DEBORAH (1921-2007)

Deborah Kerr est une des actrices que la critique française a le plus sous-estimée. Fort belle, visage fin, bien dessiné, regard intelligent, elle tranchait en effet avec les autres rousses de Hollywood qui incarnaient, selon une image stéréotypée, la pétulance, la volonté, la sensualité : elle apparaît froide, distante, un tant soit peu aristocratique, voire « puritaine ». Mais, c'est, d'une part, confondre les rôles auxquels elle a été condamnée, les cinéastes ayant tendance à limiter les acteurs à un emploi, et, d'autre part, ne pas tenir compte de son jeu discret, minimaliste et subtil.

Deborah Jane Kerr-Trimmer est née le 30 septembre 1921 à Helensburg, en Écosse. À partir de l'âge de quinze ans, elle étudie l'art dramatique et la danse. Elle se produit pour la première fois sur scène, en 1937, dans un ballet et, en 1939, dans une pièce. En 1940, elle tourne dans Contraband (Espionne à bord) de Michael Powell, mais son rôle est coupé au montage. Elle débute donc officiellement au cinéma, en 1941, dans Major Barbara de Gabriel Pascal, où elle s'impose dans le rôle d'une frêle mais tenace salutiste. Sans pour autant abandonner le théâtre, elle est alors engagée comme co-vedette dans plusieurs films, parmi lesquels The Hatter's Castle (Le Chapelier et son château) de Lance Comfort (1941), qui fait d'elle une vedette, puis The Life and Death of Colonel Blimp (Le Colonel Blimp, 1946), dans lequel elle incarne les trois femmes qui marquent la vie du protagoniste, et Black Narcissus (Le Narcisse noir, 1947), tous deux de Michael Powell et Emeric Pressburger.

En 1946, Deborah Kerr signe un contrat avec la M.G.M. Elle est d'abord confrontée à Clark Gable dans The Hucksters (Marchands d'illusion) de Jack Conway (1947), puis, entre autres, à Spencer Tracy dans Edward, my Son (Édouard, mon fils) de George Cukor (1949), Robert Taylor dans Quo Vadis ? de Mervyn Le Roy (1950), Stewart Granger dans King Solomon Mine's (Les Mines du roi Salomon) de Compton Bennett et Andrew Marton (1950) et The Prisoner of Zenda (Le Prisonnier de Zenda) de Richard Thorpe (1952). Dans tous ces films, elle tient des rôles de femmes prudes et effacées : tour à tour, la voici veuve, épouse délaissée, vierge chrétienne, Anglaise « coincée » et princesse sacrifiée à la raison d'État. Autant de personnages ingrats qu'elle aborde avec un sens aigu de la mesure, imposant malgré tout une indéfectible présence physique à l'écran et laissant deviner un fort caractère. Ces qualités se manifestent au grand jour dans From Here to Eternity (Tant qu'il y aura des hommes) de Fred Zinnemann (1953), une production Columbia, qui fait d'elle une star. Dans ce rôle de femme adultère, qu'elle a obtenu de haute lutte, elle révèle une sensualité qu'on ne lui connaissait pas, ou qu'on feignait d'ignorer, dans une scène d'amour « torride » exceptionnelle, voire unique, à l'époque des Studios.

Deborah Kerr n'en continue pas moins d'interpréter par la suite des rôles de religieuses, d'épouses délaissées ou infidèles, de femmes refoulées ou victimes, de préceptrices rigides et de vieilles filles dans, notamment, The King and I (Le Roi et moi) de Walter Lang (1956), Tea and Sympathy (Thé et sympathie) de Vincente Minnelli (1956), Heaven Knows Mister Allison (Dieu seul le sait) de John Huston (1957), An Affair to Remember (Elle et lui) de Leo McCarey (1957), Bonjour Tristesse d'Otto Preminger (1958), The Sundowners (Horizons sans frontière) de Fred Zinnemann (1960), The Innocents (Les Innocents) de Jack Clayton (1961) et The Night of the Iguana (La Nuit de l'Iguane) de John Huston (1964). Toujours excellente, elle s'y livre à des variations constamment renouvelées sur des personnages qu'elle écarte du stéréotype. En 1965, elle peut révéler ses dons pour la comédie[...]

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, professeur d'histoire du cinéma

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