LEVY DEBORAH (1959- )

Une autobiographie en mouvement

Deborah Levy conçoit Things I Don’t Want to Know (2013 ; Ce que je ne veux pas savoir, 2020), le premier volume de sa trilogie autobiographique, comme une réponse féministe à l’essai de George Orwell de 1946, « Pourquoi j’écris ». Loin de proposer un tableau complet et linéaire de son existence, elle isole certains moments clés (son enfance en Afrique du Sud, son sentiment d’exil en Angleterre à l’adolescence, sa quête d’un lieu à soi à l’âge adulte) afin d’y déceler quelles motivations l’amenèrent à devenir écrivaine. Elle rappelle aussi qu’elle a dû apprendre « à interrompre, à parler haut, à parler fort », à dire « je ». The Cost of Living (2018 ; Le Coût de la vie, 2020) et Real Estate (2021 ; État des lieux, 2021) viennent compléter ce qu’elle nomme des « autobiographies du vivant » parce qu’elles sont écrites « au présent, dans la tempête de la vie » et non avec le recul du temps. Prenant comme point de départ des épisodes et des rencontres dans sa vie de femme divorcée, de mère et d’écrivaine, elle interroge collectivement la possibilité pour les femmes de se constituer un foyer ou un espace où se sentir libres et, sur un ton vif et espiègle, livre ses réflexions sur la notion de propriété, le patriarcat et la subjectivité féminine. Elle n’hésite pas à parler d’elle-même à la troisième personne et à faire preuve d’autodérision pour mieux cerner la construction progressive de ses multiples identités. Dans la trilogie mais aussi dans le recueil La Position de la cuillère et autres bonheurs impertinents (2023), Levy revient sur ses inspirations littéraires, de George Sand à Simone de Beauvoir, Marguerite Duras et James Baldwin, en passant par Virginia Woolf, Colette et les surréalistes, et souligne l’impact des arts visuels sur son développement créatif. Tout en portant un regard décalé sur les objets du quotidien qui l’accompagnent, elle revitalise l’écriture de soi avec humour et énergie, mêlant extravagance et pudeur.